INTRODUCTION

« Le jeu n’a pas d’autre sens que lui-même. »
Roger Caillois
« Arrêter de jouer, c’est arrêter de vivre. »
Marilene Felinto

Le jeu vidéo se définit par deux composantes, d'une part le Jeu, du latin jocus « plaisanterie » (le terme apparaît entre le XI et le XII ème siècle et désigne alors une pièce de théâtre) et d'autre part la vidéo, « je vois », qui vient d'une racine indo-européenne signifiant voir ou savoir. Les composés de ce verbe donnent en français évident (e-videns), prudent et providence (pro-videns donne pru-dens en latin) et envier (in-videre signifie "frapper du mauvais oeil"). Le supin visum donne vision et visuel. Le mot sanscrit Véda, qui signifie vision, est le titre des livres sacrés de l'Inde. En grec, on trouve cette racine dans oïda, je sais et dans idein, voir, qui a donné en français idée. Le petit Larousse définit le jeu vidéo comme un programme informatique permettant de jouer seul ou à plusieurs, installé le plus souvent sur une console ou un micro-ordinateur.
Pour Roger Caillois, le jeu se définit comme une activité libre (consentie par le joueur), séparée (dans le temps et l’espace), incertaine (dont l’issue n’est pas prévisible), improductive (ne créant rien qui n’existe déjà), réglée (par des conventions propres à chaque jeu) et fictive (dissociant le jeu de la vie réelle) (1).
Avec un chiffre d'affaire de 30 milliard d'Euros, le jeu vidéo a d'ores et déjà dépassé celui du cinéma et lorgne maintenant vers les chiffres du marché de la musique. D'après un sondage effectué par Digital Software Association en novembre 2003, 145 millions d'Américains jouent aux jeux vidéo (à peu près 3 sur 5), la moyenne d'âge des joueurs est 28 ans et 43% serait des joueuses. Cette industrie du divertissement vieille d'à peine trente ans a contaminé presque tous les secteurs de notre société, de l'ordinateur de bureau et son démineur jusqu'au téléphone portable, en passant par le cinéma, la télévision et les produits dérivés, il est partout. Source de polémique au même titre que le Rock'n Roll ou les comics américains, il à comme eux évolué et ne se contente plus de séduire les plus jeunes mais cible plus large grâce à son offre pléthorique (et le talent de certain créateurs). Mais son succès ne s'est pas fait en un jour et dans un premier temps je donnerai quelque clés pour comprendre un peu mieux l’histoire du jeu vidéo, plus loin je tenterai d’établir une classification (illustrée a l’aide d’exemples de jeux) pour mieux déterminer l'étendue de ses possibilités, enfin j’étudierai les nombreuses interconnexions existant entre lui et d’autres médiums (Art, Cinéma, Télévision, Bande Dessinée, etc.).

HISTORIQUE

« Dans chaque homme réside un enfant qui veut jouer. »
Friedrich Nietzsche
« L’homme est fait pour jouer, c’est le péché originel qui l’a condamné au travail. »
Claude Aveline

Le jeu n’a pas attendu l’avènement de l’écran et du joystick pour s’emparer de l’homme. Bien au contraire, il existe depuis longtemps et l’on peut supposer que même a l’époque préhistorique, les enfants devaient singer leurs aînés, jouant au chasseur, au tailleur de silex ou au chaman (1). Le jeu vidéo a, quant à lui, un historique datable car tributaire d’une technologie : en effet pas de jeu vidéo sans écran de visualisation ni interface.
Loin de moi l'idée de faire ici la chronologie exhaustive de toute l'histoire du jeu vidéo, ce n'est pas le propos et je n'en ai pas la compétence (après tout je n'ai découvert ce monde que tardivement en jouant a Bomber Jack sur un Amstrad CPC 6128), je me contenterai de rappeler quelques dates et faits, et ce afin de planter le décor (2).
C'est en 1951 que le concept du jeu vidéo a été inventé lorsque Magnavox (fabriquant américain de téléviseur) charge Ralph Baer d'imaginer le poste du futur, celui-ci a l'idée d'y intégrer un jeu, l'idée ne sera pas encore retenue mais les plans de Ralph Baer disponibles un peu partout sur la toile lui assurent la paternité du concept (3).
Il est amusant de constater que dès l’apparition des ordinateurs, l’homme a utilisé le jeu pour en démontrer les capacités : ainsi l’un des premiers supercalculateurs d’I.B.M. (sans doute le 701) utilisait le morpion en 1953 pour démontrer au public sa relative intelligence, ou en tout cas sa rapidité de calcul.
Dans le même esprit, 5 ans plus tard, à l’occasion d’une journée portes ouvertes, un physicien américain du nom de Willy Higinbotham détourne un dispositif utilisé pour calculer la trajectoire des missiles (constitué d’un écran d'oscilloscope et d’un ordinateur analogique) pour en faire un rudimentaire jeu de tennis : cet ancêtre du PONG permettait une visualisation de profil du cours et du filet (symbolisé par un T renversé); le joueur avait à sa disposition une molette pour modifier l’angle de tir et d’un bouton pour le déclencher. Tout était là, un écran de visualisation, un dispositif permettant l’interaction et bien sûr un ordinateur qui régissait le tout !
La légende raconte que l’attraction eut beaucoup de succès, mais le prix (et la taille !) des machines de l’époque étaient peu compatibles avec une éventuelle commercialisation, par conséquent Willy ne déposât même pas de brevet…
Après les militaires, les suivants à s’équiper d’ordinateurs furent les universités au sein de laboratoires de recherche. Là aussi des hommes cherchèrent à exploiter le potentiel ludique de ces puissantes machines et en 1962 une équipe d’une dizaine d’enseignants et d’étudiants du MIT (Massachusetts Institute of Technology) mettent au point Spacewar. Le joueur contrôle une fusée et doit faire exploser celle de son adversaire à l’aide de missiles. Les graphismes se résument à des lignes et des points et font encore appel à l’imagination du joueur pour y voir fusées, missiles ou encore étoiles. Néanmoins ce jeu fera rapidement le tour de toutes les Facultés équipées de machines identiques, la ludicité du concept s’alliant au plaisir de programmer.
La technologie évoluant et se démocratisant, les possibilités commerciales commencent à voir le jour :
En 1966, David Rosen, à la tête de Service Game (SEGA), une société japonaise spécialisée dans la fabrication et la distribution de juke-box met au point et commercialise le Périscope, premier jeu d’arcade de l’histoire. Il s’agissait, comme son nom l’indique, de couler des bateaux à l’aide de torpilles.
À la même époque, aux Etats-Unis, Ralph Baer met au point l’architecture de la console de jeu de salon et fait le tour des constructeurs de télévision pour la développer et la produire. C’est finalement Magnavox qui se lance dans l’aventure et en mars 1972 sort L’Odissey. Cette console intégrait plusieurs jeux dérivés du Pong, et égayait ses graphismes à l’aide de fonds semi transparents et électrostatiques à positionner sur l’écran.
Quelque chose pourtant faisait encore cruellement défaut : le son.
La même année, Nolan Bushnell fonde Atari (terme désignant la mise en échec au jeu de Go et dont le logo symbolise le mont Fuji-Yama) et développe de juin à novembre la borne d’arcade la plus célèbre de l’histoire du jeu vidéo: Pong. Cette version, quant à elle, était dotée d’un unique son (devenu mythique) produit au rebond de la balle. Le succès fut immédiat, la première panne de l'appareil se produisit rapidement, il s'agissait de l'engorgement du monnayeur...
Magnavox intente immédiatement un procès pour plagiat mais le succès de Pong ayant des répercussions visibles sur les ventes de l’Odissey, ils se contenteront de demander des royalties.
Nombre de constructeurs se lanceront sur les traces de l’Odissey pour produire leur propre console, avec quelques rares innovations, cartouches pour changer de jeux, pistolet ou fusil optique pour jeu de tir, etc.
Peu après apparaît Nintendo. À l’origine fabriquant japonais de cartes à jouer, il développe à la fin des années 70 un nouveau marché lié au jeu vidéo, encore une fois dérivé d’une technologie : celle de l’écran à cristaux liquides hérité des montres et des calculatrices. Elle crée donc toutes sortes de mini jeux à piles, où il faut tantôt recevoir des jeunes filles tombant du ciel, tantôt aller dérober des pièces d’or en évitant les tentacules d’une pieuvre…
À cette nouvelle concurrence, s’ajoute celle des ordinateurs individuels qui, se démocratisant, rendent obsolètes les consoles de jeu, devenues gadgets emblématiques des années 70.
L’ordinateur a en effet une aura à l’époque que seules les consoles à tout faire d’aujourd’hui commencent à rattraper, la sacro-sainte utilité. Les gens préfèrent acheter un ordinateur polyvalent, permettant de faire les comptes (sigh), de s’essayer à la programmation (resigh) et, éventuellement de jouer, d’autant plus que son usage n’empiète pas sur celui de la télévision grâce a son écran dédié.
Les ordinateurs seront aussi une bouffée d’air frais pour l’innovation vidéo ludique, chacun pouvant dans son coin s’essayer à la création d’un jeu.
Ainsi nous voici à la première crise du jeu vidéo : trop de marques (pour un même type de jeu dans un marché plutôt frileux) face à une concurrence dynamique et innovante, signe l’arrêt de mort de nombre de ces constructeurs de console quasi générique (la fin rapide de ses standards étant un des leitmotiv du monde du jeu vidéo, et la méfiance des clients une de ses conséquences).
Cette crise de créativité au niveau des jeux à la fin des années 70 n’est pourtant pas dénuée de certaines innovations :
- Space Invader avec l’apparition du score qui permet de s’inscrire dans la machine et donc de se mesurer à des adversaires par l’intermédiaire de ses initiales (3 lettres).
- Defender pour l’apparition du défilement (scrolling) : là où Pong, Pac-Man, Space Invader enferment le joueur dans les limites de l’écran, Defender, lui, permet à l’aide d'un travelling, d’imaginer un monde au-delà de celui-ci.

Faisons une parenthèse dans le jeu vidéo pour introduire deux composantes fondamentales de celui-ci, et qui se démocratisent dans les mêmes années : le Wargame et le jeu de rôle.
Ceux-ci ont des racines anciennes et prestigieuses. Au début du XIX ème siècle un stratège prussien invente des règles de combat de figurines en plomb pour simuler des batailles, et au XX ème siècle, H.G. Welles s’y adonne à son tour. Dans les années 50, Avalon Hill invente le terme Wargame, ainsi que les pions en carton symbolisants les unités et la carte divisée en hexagone.
Gary Gigax franchit un pas en ramenant l’aventure à l’échelle d’un seul héros (du moins un par joueur) et qui au cours de la partie, a la capacité d'évoluer. Le jeu de rôle apparaît aux yeux du grand public en 1974 sous l’appellation Donjon&Dragon. Il n’a cessé depuis de se développer, que ce soit par les thèmes abordés ou le réalisme des règles (plus celles-ci chercheront à transcrire fidèlement la réalité et plus elles se complexifieront).
À la différence du Wargame (qui d’ailleurs se joue rarement à plus de deux et souvent même seul) où chaque joueur joue une armée, il faut pour le jeu de rôle un arbitre / conteur (appelé maître de jeu). C’est lui qui présente l’aventure (plus ou moins linéaire et dirigiste suivant ses propres capacités à l’improvisation) aux joueurs et qui résout les conflits entre ceux-ci et leur environnement (le plus souvent à grand renfort de jet de dés). On peut se projeter dans la peau d'un magicien (ou d'une amazone) évoluant dans un monde plus ou moins emprunté à Tolkien, un vampire hantant les rues de Chicago pendant la prohibition ou encore un guerrier apocalyptique d’un futur à la "Blade Runner". La seule limite à ce jeu étant l’imagination, que ce soit celle du meneur de jeu, autant que celle des joueurs. L’engouement pour ces deux nouveaux genres inspirera un grand nombre de jeux vidéo, en particulier dans le monde informatique où l’interface plus complexe (clavier, souris) et une technologie en avance sur les consoles offraient plus de liberté.

Le renouveau arrive en 1983 au japon avec la console NES (Nintendo Entertaining System), simple et bien conçue. Suffisamment rôdée sur son marché interne, elle part en 86 à l’assaut des Etats-unis avec une politique commerciale très agressive, basée sur une console vendue à prix coûtant, le constructeur se rattrapant sur la vente des jeux. Nintendo défraya la chronique par son attitude monopolistique vis-à-vis des producteurs de jeux, entravant la libre concurrence (les éditeurs et distributeurs de jeux Nintendo ayant interdiction de travailler avec le concurrent direct Sega).
Sega en effet était un clone de Nintendo et l’affrontait dans une guerre marketing plus que technique. Sa Master System étant plus ou moins identique, il fallait se distinguer autrement : Sonic le hérisson étant l’anti-Mario. L’irrévérencieux affrontant le politiquement correct et pour reprendre la métaphore qu’emploient Alain et Frédéric Le Diberder : « Sega était à Nintendo ce que Pepsi était à Coca-Cola » (4).
Toujours est-il que la concurrence se fait au profit du consommateur qui voit arriver avec ces consoles 8 bits (quantité de données gérées par leur processeur à chaque cycle) nombre de très bons jeux. Le marché Européen est épargnés (car trop petit) jusqu’en 1987, ce qui permet le développement de petits studios de création, qu’il soit Anglais (Bitmap Brother) ou Français (Titus) pour n’en citer que deux. Ils travailleront sur les ordinateurs équipant les ménages de l’époque : Amstrad, Atari et Amiga.Cette accalmie ne sera que passagère et en 87 la NES et la Master System auront ici comme ailleurs un énorme succès.
Puis arrivèrent les portables, la Game Boy (8 bits) chez Nintendo avec son autonomie de 11h et son célèbre Tetris, et la Game Gear (8 bits) chez Sega avec son écran couleur et sa consommation astronomique de piles…
Atari s’essayera aussi avec la Lynx (16 bits) sur le marché des portables mais son prix élevé et la faible quantité de jeux ne lui permettront pas d’avoir une carrière à la hauteur de sa technique.
Début des Années 90 apparaît la Megadrive de Sega, première console 16 bits, suivie de la Super NES (elle aussi 16 bits).
La plupart des jeux pour ordinateur antérieur à 94 sont trouvables gratuitement et légalement sur les sites d'abandonware (5).
En 1994, deux géants de l’industrie décident de partir à l’assaut de ce "nouveau" marché, Sony avec sa console : la Playstation (32 bits), et Microsoft sur PC, qui tente d’uniformiser le marché en rayant MS-DOS (tout sauf convivial) au profit de Windows 95 (largement inspiré de l’environnement Macintosh).
Sega réplique la même année avec la Saturn (32 bits), alors qu’il faudra 2 ans de plus à Nintendo pour sortir sa N64 (64 bits). Elles souffriront toutes deux d’un parc logiciel très inférieur à celui de la Playstation, Sony ayant une politique de développement de jeu très encourageante (politique qui fut payante sur le long terme mais qui faillit les couler).
1996 est aussi l’année de l’apparition "en masse" des jeux en vrai 3D (Quake & Tomb Raider par exemple), la Playstation ayant été développée dans ce but.
En 1998 Sega lance ce qui sera sa dernière console, la très respectée Dreamcast (128 bits) qui elle aussi souffrira d’un manque de titres, quoique nombre d’entre eux seront de très bonne qualité.
Sega n’existe plus aujourd’hui que comme producteur / éditeur de jeux.
En 2000 Sony confirme sa position avec sa Playstation II (128 bits) qui, amélioration notable dans le monde des consoles, permet de jouer à tous les jeux de la Playstation I, ainsi que la lecture de DVD.
2001 : Microsoft sort la X-box, elle aussi capable de lire les DVD et dotée d’un disque dur de stockage (cette console, issue du monde PC, est censée simplifier le développement de jeux sur les deux plates-formes) qui avec son prix élevé et la mauvaise réputation de Microsoft ne remplit pas immédiatement ses objectifs en termes de vente…
Cette année-là, Nintendo donne une seconde vie à la Game boy en lançant la version Advance dotée d’un écran couleur et dont la capacité à jouer les jeux de son ancêtre lui ouvre un parc de cartouches de jeux préexistant énorme. C'est aussi l’année de la sortie de la GameCube qui, contrairement à la Playstation II et la X-box, se contente d'être une machine uniquement dédiée au jeu. Cependant le savoir faire de Nintendo en la matière réussit à maintenir les ventes et même aujourd’hui cette console semble avoir encore quelques années devant elle.
Dès l'apparition du jeu vidéo, on assiste aussi à la naissance de son piratage, qui, si il est préjudiciable aux producteurs de jeu (qui n'ont de cesse de chercher des nouveaux procédés anti-copies) favorise souvent la vente de la machine. Ainsi les ordinateurs ont toujours profité de ce marché parallèle, presque comme un argument de vente, les cartouches du début des consoles de jeu étant plus difficilement reproductible que les disquettes (ou maintenant les CDs).
Cependant depuis la Dreamcast, toutes les consoles ont connu une puce pour les débrider (conçue à la base pour permettre de jouer à des jeux importés du Japon ou des Etats-Unis). La X-box, dont on dit dans le milieu du jeu vidéo qu'elle est une machine rêvée pour les hackers (car proche d'un PC, et peut être aussi car tout ce qui vient de chez Microsoft est cible privilégiée du piratage) peut facilement être modifiée pour lui faire accepter le changement de disque dur (plus gros et/ou plus rapide) ou l'utilisation de programmes spécifiques (comme des lecteurs DivX). Il est amusant (rassurant ?) de constater que la justice Italienne ne sanctionne pas la modification des consoles, « considérant que la puce permet de récupérer toutes les fonctions matérielles de la console » (6).
Cependant, maintenant que toutes les consoles ont des lecteurs de DVD, que les ordinateurs sont équipés de graveurs et de connexion Internet haut débit, il est beaucoup trop facile de faire des copies de n'importe quel jeu et ce piratage représenterait 1 milliard d'Euro de perte par ans.
Pas de recette miracle pour enrayer ce phénomène qui touche aussi la musique et le cinéma, si ce n'est peut être de réfléchir à une politique tarifaire qui satisfasse tout le monde...
Toutes ces années d'avancées techniques ont permis d’enrichir les jeux graphiquement, nous conduisant petit à petit vers le photo réalisme, cependant la cohérence d'un jeu est souvent plus importante que son réalisme (7).
Le problème est que depuis le jeu de combat jusqu’à la simulation automobile ou le jeu d'aventure, quasiment tout ce qui se fait actuellement trouve un ancêtre dans les machines des années 80 : Commodore 64, Amstrad CPC, Apple II puis Atari ST et Amiga. Les seuls changements notables, dus à l'accroissement de la capacité de stockage des supports de jeu, se font au niveau de l'histoire qui si elle s'étoffe, place également le joueur dans une position souvent de plus en plus contemplative. Position qui peut devenir gênante, l'histoire étant parfois un frein à l'immersion, les personnages les plus transparents permettant au contraire un oubli de l'autre et une appropriation plus facile, et comme le dit justement Rob Fullop en 1993 « In a game, Mario isn't a hero. I don't want to be him; he's me. Mario is a cursor » (8).

CLASSIFICATION

« Il faut jouer pour devenir sérieux. »
Aristote
« L’opposé du jeu n’est pas le sérieux mais la réalité. »
Sigmund Freud

Dans le marché extrêmement vaste, varié et fragmenté qu’est celui du jeu vidéo, il est important de tenter d’établir une classification. Celle-ci nous permet de mieux cerner ce monde afin de mieux le comprendre.
Il y aurait de nombreuses méthodes pour établir cette classification :
- On pourrait distinguer le public visé, celui-ci ayant beaucoup évolué depuis l'origine, ou il était plutôt destiné aux jeunes garçons, alors qu'à l'heure actuelle de plus en plus de jeu ciblnt des adultes, que ce soit par leur contenu violent (GTA, Manhunt, Carmageddon) ou leur trop grande complexité (Flight Simulator), tandis que d’autres cherchent de nouvelle cibles. On peut noter à ce niveau l'énorme succès des Sim's (dont nous reparlerons plus loin) auprès des filles puisque 60% des joueurs serait des joueuses.
- On pourrait également distinguer les jeux par la façon d’y jouer : seul (contre l’ordinateur ou d’autres adversaires par l’Internet) ou à plusieurs sur une même machine (chacun son tour ou en écran Splitté). Les pratiques vont parfois plus loin et certain admettent fréquenter les salles de jeu pour le seul plaisir de regarder, tandis que d'autres ne jouent pas mais sont le véritable coach (a la fois entraîneur et manager) d'équipe de joueurs professionnels.
Mais ces méthodes de classement, même si elles peuvent nous éclairer sur certaines facettes du jeu, nous éloignent de l’essentiel : que cherche le joueur quand il y joue ?
C'est Roger Caillois (1) qui va nous aider à répondre à cette question. Ayant étudié les rapports entre les hommes et le jeu, il voit pour le jeu quatre inclinaisons fondamentales :
- Agôn : la compétition et le besoin de se mesurer à l'autre (que l'on trouve aussi bien dans l'athlétisme qu'aux échecs).
- Alea : la chance et le fait de se remettre entre les mains du destin (typiquement les jeux de dés).
- Mimicry : ou le besoin de se travestir, devenir autre, qu'il appelle aussi Simulacre (poupées et panoplies).
- Ilinx : vertige, transe, effroi (balançoire, tourniquet, saut à l'élastique sont des exemples de jeux dont la composante principale et l'Ilinx).
Chacune de ces catégories est échelonnée entre deux extrêmes de la Paidia (chaos et spontanéité) jusqu'au Ludus (réglé et arbitrairement défini).
Mais le transfert de ces catégories au jeu vidéo n’est pas si simple, principalement car la plupart des jeux sont à la frontière de toutes ces catégories (un jeu de course automobile comme Gran Turismo relève à la fois de la simulation bien sûr, mais aussi du vertige et de la compétition, le hasard quant à lui ayant une place particulière au sein de l'informatique et donc du jeu vidéo).
La classification de Grospixels.com (9) même si elle n'est pas parfaite donne un bon aperçu de la richesse et de la variété en matière de Jeu Vidéo puisqu'elle distingue 19 genres différents :
– Action Aventures : Legend of Zelda, Shenmue, etc.
Arcade (ou Borne d'Arcade)
– Aventures : Runaways, Myst, In Memoriam, Sam & Max, Les chevaliers de Baphomet, etc..
Beat them all : Streets of Rage, Fighting Force, Double Dragon, Devil May Cry etc.
– Beat them up : Kung Fu Master, Trojan, Rygar etc.
– Casse-tête/Réflexion : Tetris, Columns, Docteur Mario, Bust a Moove, Push Over etc.
– Combat : Street Fighter, Tekken, Virtua Fighter, Fatal Fury, Rival Schools, Dragon Ball Z, etc.
FPS : Doom, Quake, Unreal, Half Life, Medal Of Honor, etc.
– Gestion : The Sims, Theme Park, l'Entraineur, Populous, Sim City, Railroad Tycoon etc.
MMORPG : Worl of Warcraft, Asheron's Call, Everquest, Ultima Online pour les univers Heroïc Fantasy, Matrix Online, Star Wars Galaxy ou Anarchy Online pour les univers plus SF.
– Plateforme : Super Mario, Sonic, Rayman, Tomb Raider, Castlevania, Prince of Persia, etc.
Jeu de rôle : Final Fantasy, Ultima, Baldur's Gate, Fallout, Star Wars KOTOR, ou encore la série The Elders Scrolls : Arena, Daggerfall et Morrowind.
Shoot them up : Parodius, R-Type; Xenon, Space Invader, Space Harrier, etc...
– Simulation (de sport, de voiture, de vol, etc.) (10)
Stratégie temps réel : Command & Conquer, Dune 2, WarCraft (1,2 et 3), etc.
– Survival : Resident Evil, Silent Hill, Metal Gear Solid, Max Payne, Fear Effect etc.
Tactic-RPG : Shining Force, Dragon Force, Ogre Battle, Final Fantasy Tactics, etc.
– Tir : Duck Hunt, House of the Dead, Virtua Cop, Time Crisis, Mad dog Mc Cree etc.
WarGames : Fields of Glory, Civil War etc.
Cette énumération est un peu redondante pour le non initié (11), qui ne différencie finalement pas vraiment le Beat them all du beat them up ou du jeu de combat; on peut donc, comme l'on fait Alain et Frédéric Le Diberder (4), regrouper ces sous genres sous des bannières plus généraliste dégageant trois pôles distincts, tantôt antinomiques, tantôt complémentaires suivant les jeux :
- Un pôle action où le joueur se défoule et prend plaisir en éprouvant ses réflexes. C'est la forme la plus répandue, elle foisonne sur console, et est la seule représentée dans les salles d'arcade, à tel point que pour savoir si un jeu est ou non d'action, il suffit de se demander si il est présent dans une salle de jeu. Elle est aussi plébiscitée par les joueurs et s'étend du casse brique (Arkanoïd), au Shoot them up (R-Type), Beat them all (Double Dragon) ainsi que les Doom-like et les simulations sportives simplifiées (type borne d'arcade justement).
- Un pôle réflexion : s'étendant du jeu de stratégie où la vitesse est bannie (jouable tour par tour) jusqu'au jeu d'aventure où la mort n'existe pas (type Monkey Island, Myst, etc.) en passant par les adaptations de presque tous les jeux traditionnels (Monopoly, Echec, jeux de carte, etc.) et bien sur toutes sortes de puzzle et casse tête (excluant ceux principalement basés sur la vitesse).
- Un pôle simulation : c'est le pôle le plus complexe à cerner car il empiète bien souvent sur les deux autres. On peut quand même lui attribuer sans hésitation tous les jeux "réalistes" de gestion complexe de systèmes, qu’ils soient sociaux, économiques ou même écologiques, par exemple : Sim City, Sim Ant, les Sim's, Railroad Tycoon etc.
De la même manière, il est évident qu'à partir d'un certain degré de complexité, les jeux de course (et d'autres également selon les mêmes critères) quittent le domaine de l'arcade / action pour rentrer dans celui de la simulation, ainsi Grand Prix 2 permet d'accéder à de nombreux réglages de la voiture décourageant la plupart des néophytes mais élément indispensable pour le vrai passionné...
De nos jours, ces catégories tendent à se fondre afin de fournir au joueur l’expérience ludique la plus complète possible (ou bien à ratisser plus large...)

Détaillons maintenant quelques uns de ces jeux, en débutant par l'un des plus célèbre: Tetris (12), crée par Alexei Pazhitnov puis commercialisé dès 87, ne rencontreras son immense succès qu'en 89 puisque vendu avec la Game boy. Je crois savoir que Pajitnov ne reçut pas grand-chose pour son invention mais son poste actuel chez Microsoft doit lui faire oublier ces années de perestroïka. Assez pour l'anecdote, ce jeu est important dans le jeu vidéo car contrairement à beaucoup d'autres, il n'est pas l'adaptation de quelque chose d'existant "dans le monde réel", à ce titre on peut le qualifier de pure création. Certes il emprunte un peu au concept du puzzle, mais contrairement à celui-ci, qui est un exercice d'observation, de patience, bref de réflexion, Tetris est au contraire un jeu arcade , n'importe quel joueur ayant fini le jeu a une vitesse élevée ne pourrait que confirmer ces propos. Graphiquement pauvre, il eut pourtant un grand succès, la simplicité du concept (du gameplay) étant si efficace qu'elle masque la répétitivité du jeu.
Prenons un autre jeu, le mythique Space Harrier (13) qui fut l'un des premiers Shoot them up à suggérer la 3ème dimension, il utilisera pour cela le savoir faire de Sega en matière de simulation automobile (type OutRun) reprenant cette profondeur de champs fictive propre aux jeux de course (la route étant un ruban gris plus large en bas de l'écran qu'en haut). Le joueur incarne le héros vu de dos et qui court droit devant lui, les monstres étant des petits sprites sur la ligne d'horizon grossissants au fur et à mesure qu'ils s'approchent. Chaque niveau se terminant par un boss, une espèce de gros dragon nécessitant de nombreux tirs pour être détruit. Ce fut, à ma connaissance, le premier shoot à offrir une vue autre que supérieure (correspondant au scrolling vertical) ou de profil (correspondant au scrolling horizontal), mais ce ne fut pas le dernier, loin de là, Sega remettant le couvert peu après avec Afterburner.
Restons dans les jeux d'action et abordons l'un des genres les plus prisés, à la fois des éditeurs et des joueurs bien sûr, mais aussi le plus prisés par la critique qui lui reproche son excès de violence et de réalisme, celui du FPS. Si l'on prend l'exemple de Counter Strike, choisi pour sa grande place accordée dans les médias. Ce jeu en ligne place le joueur dans la peau, au choix, d'un terroriste ou d'un anti-terroriste, il a pour mission d'exterminer les membres de l'équipe adverse et/ou un objectif (libérer / conserver des otages, amorcer / désamorcer une bombe, etc.). Ce jeu malgré le contexte violent, est vécu par les joueurs comme un sport d'équipe, nécessitant réflexe, précision et tactique de groupe, réfutant d'emblée les 2 reproches qu'on lui fait : désociabilisation et recherche de la violence pour ce qu'elle est. En effet ces joueurs font partie d'une communauté, parfois physique, le plus souvent électronique, fréquentant les mêmes cybercafés (14) et/ou les mêmes forums de discussion, partageant une passion pour le jeu mais plus que cela, en effet pour les plus mûrs de ces adeptes, l'économie et la politique sont également source de discussions qui sont loin des clichés que l'on pourrait imaginer (les dits adeptes étant souvent âgés de 25 a 35 ans et ayant fait des études...) (15). A noter qu'il existe une version offline de ce jeu, où l'on peut affronter des bots, en lieu et place d'adversaire humain, mais le prix du titre, inférieur de moitié aux concurrents laisse présager du peu d'intérêt de ce genre si on le réduit à un affrontement contre la machine...
Fondamentalement, ce jeu n'est pas plus violent que les informations, un manga, ou qu'une bande de gamins jouant à la guerre, chaque fois que notre personnage meurt, il suffit d'attendre qu'une équipe gagne pour le voir ressusciter tout comme nos ennemis. Et lorsque l'on "tue" quelqu'un c'est pour le voir dans la seconde nous reprocher notre chance ou bien nous féliciter pour la beauté du geste...
Tout le monde ne partage pourtant pas cette opinion certes un peu idéaliste (16) mais nous reparlerons de ce site dans la partie hybridation.
Une autre forme de violence bien plus redoutable et celle, idéologique, véhiculée insidieusement par certains jeux qui voudraient jeter des passerelles malsaines entre réalité et fiction. Prenons America's Army (17), un FPS très proche de Counter Strike dans le principe de jeu mais beaucoup plus réaliste et précis dans le contexte, ainsi que dans son but à demi avoué: recruter pour le corps des Marines Américain. Ce jeu me paraît d'autant plus malsain que, distribué gratuitement sur Internet, il frise la concurrence déloyale et se révèle être un vrai outil de propagande.
Puisque l'on traite de la violence je ne peux pas ne pas parler de Grand Theft Auto III Vice City (18), que l'on se doit de classer dans la case Action. Les images du héros armé d'une tronçonneuse et découpant des policiers ont fait le tour des écrans, et si vous les avez vues, je comprends qu'elles puissent vous avoir choqué; comme elle l'on fait pour moi quand j'ai vu un père laisser son enfant de 5 ans jouer avec, comme si il s'agissait de n'importe quel jeu de course automobile, lui ayant cependant expliqué que « la violence ce n’est pas bien » (sigh) (19). Mais remis dans son contexte (c’est-à-dire un jeu adressé aux plus de 16 ans par la signalétique, donc aux adulescents) le contexte violent devient bien plus anodin. A l'origine le jeu était en 2D avec une vue de haut, et proposait (pour changer) d'incarner un voyou dans des rues de villes des Etat-Unis, le score (une somme en dollar) augmentant lorsque l'on vole des voitures, écrase des policiers et remplit des missions au goût plus que douteux (tuer la femme de son patron en faisant croire à un accident de la route). Cela peut sembler atroce mais le jeu plein d'humour était plutôt défoulant, amusant, original et loin d'être réaliste de par la perspective adoptée par le jeu. Mais le 3ème opus du jeu a bien profité des améliorations de la 3D, et on se retrouve avec un jeu un peu trop simulationniste, ce qui, quand on a le recul nécessaire est très agréable, après tout, voir "Scarface" n'est pas une incitation à la violence, et justement si GTA Vice City simule quelque chose c'est le Miami de 2 flics a Miami ou de "Scarface", et non pas le vrai Miami (20). L'originalité de ce jeu n'est pas son excès de violence, d'autres ont fait pire mais la liberté qui est offerte au joueur de parcourir la ville et de faire ce qui lui plaît : se prendre pour Nicolas Cage dans "A tombeau ouvert", volant une ambulance pour ensuite faire des trajets aller/retour entre l'hôpital et les rues de la ville, puis préférer voler un Taxi pour imiter Robert De Niro dans "Taxi Driver", conduisant docilement no client jusqu'à ce que, celui-ci, complètement détruit ne rende l'âme devant un commissariat de police... Ce jeu, comme beaucoup d'autres, a réuni sa communauté de fans, se rencontrant sur des sites ou des forums (21).
Un autre jeu dont on entend énormément parler en ce moment, autant pour son succès que pour les questions qu'il ne manque pas de soulever sur son passage est les Sim's. Ce jeu appartient à la catégorie simulation et offre l'opportunité au joueur de contrôler la vie (et l'environnement) d'un ou plusieurs personnages virtuels, les sims. Le concept comme d'habitude ne date pas d'hier et la simulation de vie sociale semble être apparue il y a 20 ans avec Little Computer People, un jeu proposant de suivre le quotidien d'un personnage dans son appartement 24h/24 (22).
Plus tard est apparue Creatures (23), un jeu fourni avec des oeufs (virtuels bien sûr) à faire éclore, puis à éduquer et à protéger, mais au contraire des Sim's ou de LCP, on était chargé dans ce jeu d'éduquer/de dresser des boules de poils (ressemblant au Mogwai du film Gremlins). A peu prés à la même époque (le genre étant a la mode) sont apparus les Virtual Pets (chien ou chat ayant élu domicile dans l'écran de l'ordinateur) et les Tamagotchi, ces espèces de "porte-clés vivant" commercialisés par Bandai (importateur européen de Nintendo).
Les Sim's donc sont un gros succès (24), qui suscite jalousie et convoitise au sein de la concurrence (25), mais qui provoque aussi des réactions inattendues comme ce livre de Chloé Delaume qui s'est amusée a concrétiser par le biais du jeu, un personnage de fiction crée auparavant à son image pour un autre livre, momentanément sans domicile fixe et donc heureux de se créer son chez-soi, même virtuel; en ont résulté plusieurs présentations de son travail et un livre (26).
L'intérêt des jeux de simulation est dans ce que Alain et Frédéric Le Diberder définissent par les jeux appartenant à ce genre comme des « jouets logiciels » (27), ils veulent dire par là, que n'offrant pas de réel but, le jeu consiste surtout à expérimenter les variables du système.
Certains, comme Gonzalo Frasca, souhaiteraient pousser l'expérimentation plus loin et voudraient développer sur la base des Sim's une version librement customisable permettant d'étudier et de discuter la réalité sociale (28). Ce qui se produit déjà dans une moindre mesure dans la version Online des Sim's (sortie retardée pour le moment en Europe) qui sert de laboratoire d'étude à un universitaire américain Peter Ludlow (pseudo : Urizenus), et dont les travaux sur le coté underground du jeu lui ont valu d'être exclu par l'éditeur Maxis (29). Mais les joueurs ont différentes parades à ces entraves à leur liberté d'expression (pourtant fondamentale au Etats-Unis), l'une d'elles étant le piratage du code source du jeu afin de créer des serveurs autonomes, une autre de se rabattre sur un autre jeu concurrent moins regardant sur les activités des joueurs (30).
Parlons un peu jeu de rôle pour changer de registre, ce genre devient a lui seul presque aussi vaste que l'ensemble du jeu vidéo, en effet de plus en plus de jeux se revendiquent comme appartenant à cette famille, souvent abusivement, le simple fait que l'on puisse choisir le nom de son personnage et que celui-ci ait un inventaire suffisant parfois à justifier cette classification...
Mais il n'en est rien, et pour un bon jeu de rôle, ce qu'il faut avant tout c'est de la liberté; pas celle de tuer tout le monde comme dans GTA (quoique), mais plutôt celle qu'offre Morrowind de finir l'aventure en ne dégainant ni épée ni sort, ou bien celle de Star Wars Knight Of The Old Republics (affectueusement surnommé KOTOR) qui permet au joueur de devenir un Jedi autant que de sombrer du coté obscur de la force (31).
Il est entendu que le joueur ne pourra avoir comme liberté que celle que les programmeurs lui auront laissée (32), mais il est de plus en plus fréquent (même si ça a toujours existé) que le joueur soit perdu face a autant de possibilités: par exemple nombre de joueurs ont été déçues par Morrowind à cause de ce qui leur a semblé être une absence de scénario, là où au contraire on leur en offrait une infinité (potentiel). En effet les développeurs mettent de plus en plus souvent les passionnés à contribution, leur offrant les outils de développement (appelé SDK) nécessaire à la création de nouvelles histoires, le jeu s'enrichissant continuellement (et presque gratuitement) (33).
Ce genre est présent aussi bien sous la forme de FPS, comme dans Deus Ex qui donne au joueur l'apparence d'un cyborg, et lui donne le choix entre l'infiltration fine ou la force brutale pour venir à bout des obstacles, avec à la clé différentes fins en fonction des choix du joueur...
Cette catégorie est également intégrée à des jeux d'aventure où l'action est résolue au tour par tour, le joueur ayant tout le temps d'étudier toutes les options avant de décider de la conduite à tenir, comme par exemple dans Fallout, ou Baldur's Gate.
Cependant l'avenir immédiat du jeu de rôle se situe sans aucun doute Online, en effet c'est avant tout un jeu de société et il paraît évident que si le meneur de jeu devient facultatif dans des MMORPGs (son travail d'arbitrage étant accompli par le programme du jeu), la recherche de partenaires humains pour vivre en commun des aventures reste l'un des grands plaisir du genre.
L'un des écueils par contre est que pour rentabiliser les serveurs nécessaires au bon fonctionnement de ces mondes persistants, on demande au joueur de s'acquitter d'un abonnement mensuel qui rebute le joueur occasionnel. L'usage de licence (Star Wars, Matrix) ou l'utilisation d'univers familiers (Warcraft) est alors le meilleur moyen de « remplir » les serveurs, assurant la rentabilité du titre, donc sa mise à jour et donc (en théorie) son succès...
Prenons Star Wars Galaxy, qui propose au joueur d'incarner (dans l'intervalle entre l'épisode 4 et le 5) un rebelle, un serviteur de l'empire, ou encore un personnage neutre, là encore la liberté est un aspect fondamental, celui qui veut créer un personnage d'artisan (100% non violent), ou bien un dresseur d'animaux ou même un danseur, peut le faire (34). La nouveauté c’est qu’il n’y a pas dans ce jeu de personnage non joueur (PNJ) chargé du commerce ou du divertissement, et ce afin d’encourager les joueurs à embrasser ces carrières…
Je vais assurer la transition avec un autre genre à succès (35), le jeu de stratégie temps réel, en parlant de Warcraft 3 dont les auteurs ont misé sur l'intégration d’éléments de jeu de rôle dans leur gameplay. Il en résulte un jeu hybride alternant phase rôliste où l'on fait gagner des Xps à nos héros, puis phase de stratégie où l'on doit conquérir des objectifs et/ou annihiler l'adversaire. Mais ce genre de jeu ne prend tout son sens que lorsque l'on joue en réseau face à des adversaires humains, l'intérêt étant alors d'échafauder des stratégies en fonction de nos troupes et de celles de l'adversaire; la connaissance et la maîtrise du jeu étant alors une aide précieuse (une connaissance parfaite des raccourcis clavier permet de réagir plus vite que l'adversaire).

HYBRIDATION

« L’imaginaire, c’est ce qui tend à devenir réel. »
André Breton
« La réalité n’est qu’un point de vue. »
Philip K. Dick

Comme nous l'avons vu, les jeux vidéo, partis de rien, sont devenu l'un des plus gros marché dans le domaine des loisirs, cette croissance impressionnante en l'espace de 3 décennies ne s'est pas faite toute seulle et le jeu vidéo a énormément emprunté au cinéma, mais aussi à la littérature, aux jeux traditionnels et bien sûr au monde de l'art. Ces emprunts ne sont cependant pas restés à sens unique et je vais essayer ici de pointer quelques hybridations entre le jeu vidéo et ces autres médiums.

Le premier axe d'emprunt mutuel, historiquement, se fait avec le jeu traditionnel : en effet on a d'abord adapté des jeux préexistants (le tennis, le morpion, les échecs, les jeux de cartes, les sports, mais aussi et nous en avons déjà parlé, les jeux de rôles et les wargames) pour en faire des jeux vidéo. Ca n'a sans doute pas toujours donné les jeux les plus révolutionnaires ou les plus innovants, mais pour toucher un vaste public, quoi de mieux que de lui offrir sous une autre forme ce qu'il connaît déjà ?
Le jeu vidéo quant à lui, a peu à peu commencé à influencer le jeu traditionnel, tout d'abord parce qu’il partageait (et il partage souvent encore) les mêmes points de vente, ensuite grâce aux produits dérivés de celui-ci (on ne compte plus les figurines Final Fantasy ou Lara Croft); enfin car la façon même de jouer a évolué depuis l'apparition de cette nouvelle forme de loisir : par exemple, on peut légitimement penser que les Tamagotchi sont encore un jeu vidéo (descendant peut-être de Creatures d'ailleurs), mais par contre les peluches interactives Furby arrivées peu après, que peut on en dire, sinon que tout en étant plus vraiment des jeux vidéo, ils leurs doivent beaucoup.
On peut citer aussi le mariage entre jeu de rôle grandeur nature (appeler souvent Killer ou Murder Party (36)) et le jeu vidéo, utilisant le téléphone portable comme interface, dans une nouvelle génération de jeu qui utilise la géolocalisation des portables pour replacer les affrontements virtuel dans le monde réel (37).

Un autre axe fort d'inspiration pour le jeu vidéo a été la littérature (en particulier celle de SF et de HF), surtout au niveau des innombrables adaptations en jeu vidéo en provenance du monde littéraire (38) comme de la Bande Dessinée; Alain et Frédéric Le Diberder citant l'exemple des tortues Ninja (39), auquel on peut aujourd'hui ajouter celui de XIII (40). Mais dans cet exemple le jeu vidéo ne se contente pas d'adapter, il se permet aussi de jouer des codes du média pour modifier le gameplay du jeu: on voit donc à l'écran des onomatopées (qui se font l'écho de la bande son du jeu) nous permettant de localiser les ennemis, ou le découpage dynamique de l'écran à l'aide des cases de BD, ou encore l'inclusion des dialogues du jeu dans des phylactères, et bien sûr l'utilisation du Cell-Shading comme rendu graphique.
Pour Max Payne, on va moins loin dans l'usage de la BD, puisqu'elle n'est ici qu'une alternative aux traditionnelles cinématiques dans le support à la narration. L'originalité ici est que au contraire de XIII ou de tant d'autres adaptations, il n'existe pas de BD de Max Payne.
Gonzalo Frasca fait par ailleurs une très intéressante (mais malheureusement pas encore traduite de l'anglais) étude comparative entre la narration et le jeu vidéo ou il avance l’hypothèse que les jeux gagneraient en intérêt si on y introduisait des PNJ ayant une réel profondeur (41).
Le jeu vidéo a été à l'origine de formes littéraire, d'abord médiocre avec des livres et des BD's dérivés de jeu (Pac-Man, Street Fighter ou Tomb Raider), puis par de nombreuses et plus ou moins sérieuses contributions écrites sur le domaine (42), enfin par la génération d'œuvres originales dont le jeu n'est qu'un catalyseur, comme Chloé Delaume avec son Corpus Simsi (26).
Chronic'Art évoque aussi l'influence des jeux comme les Pokemon sur les mangas japonais, les Yu-Gi-Oh (et consort) n'étant finalement que le lieu d'« affrontements [...] prétextes à collecter des items magiques qui permettent de grimper de niveaux » (43), on retrouve là le principe du leveling propre au jeu de rôle et si souvent présent dans ce type de jeu vidéo...
Les jeux se modifiant dans les années 70 (et là je pense autant a l'apparition du jeu de rôle, qu'à celle du jeu vidéo) : la littérature engendre elle aussi une nouvelle forme littéraire, le livre dont vous êtes le héros (44) dont le premier, intitulé Le sorcier de la montagne de feu sort en Grande Bretagne en 1982 et un an plus tard en France. Qui du jeu vidéo ou de ce genre littéraire inspira l'autre, nul ne saurait le dire mais il est certain, par contre, que leur période de croissance conjointe dans les années 80 ne laisse planer aucun doute sur la porosité des deux, les ressemblances en terme d'embranchements scénaristiques étant plus que frappantes.
On peut voir que sur certains sites, l’hypertexte est astucieusement marié au livre dont vous êtes le héros pour créer du contenu interactif et ludique (45).

Un troisième axe d'hybridation s'est naturellement fait avec l'audiovisuel. J'entend par là, cinéma et télévision, toujours et encore par le biais d'adaptations: "Star Wars", "Indiana Jones" et "Terminator", mais aussi Qui veut gagner des millions ou Ford Boyard ayant eu leurs jeux tout comme Resident Evil, Street Fighter, Mortal Kombat, Final Fantasy et Tomb Raider auront eu leur films (voir même leur série télévisée); pour aller un peu plus loin on peut parler de l'importance du cinéma sur les cadrages dans le jeu vidéo, problème qui ne s'est vraiment posé qu'avec l'apparition de la 3D dans des jeux comme Alone in the Dark (46) ou plus récemment les Residents Evil. En parlant de cette série on peut noter que son dispositif narratif alternant la prise en main de plusieurs héros (ce jeu n'étant évidement pas le seul à proposer cela) n'est pas éloigné du "Rashomon" de Kurosawa.
Il faut se pencher un peu sur un jeu comme Max Payne 2 (47) pour voir ce que l'audiovisuel peut apporter de plus : ce jeu d'action a crée un effet de mode au sein de l'univers du jeu vidéo en introduisant le “Bullet time” emprunté à "Matrix" (le joueur peut en effet ralentir le temps dans le but, bien sûr, de tirer en toute quiétude sur l'adversaire), mode qui a rapidement envahi un grand nombre de titres orientés action. Max Payne a aussi emprunté à Tarentino (et à d'autres) une narration non linéaire faite de flash-back (et de cauchemars) dont la principale qualité est d'accroître la durée de vie du jeu (le joueur jouant à la version non localisé et n'ayant pas tout compris étant alors incité à recommencer le jeu à un niveau de difficulté supérieure). A noter enfin la forte densité de postes de télévision disséminés dans les niveaux du jeu, passant des programmes en rapport avec celui-ci : spot de pub pour les trousses de soin ou pour le restaurant du méchant, série policière “Dick Justice” ou “Adress Unknown” (clin d'œil au "Twin Peaks" de David Lynch) dont les héros ressemble trait pour trait à Max Payne; tout cela étant autant un moteur à l'immersion dans le monde caricatural du jeu, qu'une parodie du monde de la télévision et de celui du jeu vidéo. Il n'est pas rare d'interrompre le fil de l'histoire pour regarder la télévision, alors que l'on est censé être poursuivi par une armée de “nettoyeurs”, sachant pertinemment que rien ne se passera tant que l'on aura pas appuyé sur le bouton de l'ascenseur.
Pour l'apport cinématographique on peut aussi citer Disney qui dès l'époque d'Aladdin avait bien compris l'intérêt financier des jeux sous licences et déclina plusieurs de ses chefs d'œuvres en autant de jeux de plateforme, qui au point de vue de l'animation des sprites furent reconnus comme réellement novateur (ou en tous cas dans la digne succession de Prince of Persia, le modèle du genre).
Citons encore le très beau (mais aussi captivant) jeu d'aventure In Memoriam dont l'esthétique emprunte autant au Seven de David Fincher qu’à l'oeuvre entière de Dave Mc Kean (graphiste et dessinateur de BD).
Le jeu vidéo a bien sur eu une influence sûr le cinéma, "Tron", "Avalon" ou "ExistenZ" n'étant que la partie visible de l'iceberg (48), en effet l’influence se fait à d’autres niveaux comme le note Khrystell E. Burlin (49). Pour l’anecdote on pourra aussi visiter le site datant de 1998 d’un mémoire de maîtrise dont le sujet était « Cinéma – jeux vidéo quel avenir ? » (50).
Pour ce qui est de l'impact sur la télévision je me contenterai de citer 3 exemples :
Le premier, c'est celui des retransmissions automobile (F1, Paris-Dakar) dont les caméras embarquées doivent sans doute au jeu vidéo, la réciproque étant également vraie puisque les simulations de foot adoptent souvent les angles de caméras des retransmissions télévisées.
Une autre contamination de la télévision par le jeu vidéo est l'usage de ses codes graphiques pour asceptiser le réel, comme dans le cas souvent cité en exemple de la guerre du Golfe en 90, l'usage d'images mal définies, à dominante verte, a masqué les autres images de la guerre et a crée une distance fictive (et donc dangereuse).
Le dernier enfin est celui de la publicité pour Edf qui, à l'aide d'une variante de Sim City, rappelait que l'on a qu'une terre et que l'on doit en pendre soin, le game over n'étant pas une alternative envisageable dans la réalité...
Pour en finir avec l'hybridation jeu vidéo/audiovisuel, je voudrais évoquer ici ce qui n'appartient ni exclusivement au jeu vidéo, ni non plus au cinéma, à savoir les images de synthèse. Si l'on étudie certains plans de David Fincher ("Fight Club" ou "Panic Room"), ceux qui nous font passer par le trou d'une serrure par exemple, ils doivent sans doute tout autant au cinéma d'animation qu'au jeu vidéo, sauf que la technique utilisée (en l'occurrence l'ordinateur) les lient fondamentalement.
Les génies des effets spéciaux à l'origine de ces plans sont souvent issu du milieu des coding party, ou de grandes écoles, les meilleurs d'entre eux ayant le choix de travailler dans l'un ou l'autre domaine (avec sans doute aussi le ministère de la défense), il n'est pas étonnant de trouver des similitudes entre les deux.
Le meilleur exemple en est "Final Fantasy", à l'origine jeu, devenu film au budget faramineux.
Je terminerai le paragraphe en évoquant les pubs pour les consoles ou les jeux, souvent proposées a de grands réalisateurs comme David Lynch (pour la sortie de la PS2) ou Ridley Scott (pour Driv3r (51)).

Enfin, je souhaiterais développer ici l'influence du jeu vidéo sur le monde de l'art qui, de la mode en passant par la musique ou le milieu de l'art contemporain, s'est approprié ce médium pour le détourner.
Passons rapidement sur la musique qui est un sujet que je maîtrise peu en citant Teamtendo qui joue sa musique sur des Game boy (52).
La mode a découvert les jeux vidéo avec Lara Croft, les stylistes se battant pour lui dessiner des maillots de bain (53) mais le phénomène est toujours d'actualité avec Final Fantasy X-2 (54) ou avec l'expérience Sim's de Chloé Delaume qui a demandé à Christian Lacroix de faire une skin pour son avatar (26).
Il y a, depuis le début des années 90, un intérêt croissant de la part du monde de l'art pour le jeu vidéo comme étant partie intégrante de la nouvelle culture numérique. Parmis les pionniers, on doit citer Jodi, formé en 1994 par deux artistes venant de la photographie, de la vidéo et de la performance : Joan Heemskerk et Dirk Paesmans (l'un venant de Belgique et l'autre des Pays Bas) qui mettent en exergue les défaillances du système et jouent avec l'internaute/utilisateur/spectateur. Ils sont à l'origine par exemple d'un site qui perturbe la navigation en générant de nombreuses fenêtres incontrôlables (55), mais aussi du détournement du moteur graphique de Quake (l'un des premier FPS entièrement en 3D) pour générer des formes graphiques abstraites (56), l'utilisateur pouvant encore jouer mais comme le souligne Margaret Sundell : « The outcome: games that can still be played, at least in some sense, but that can definitely never be won » (57).
Un studio graphique de San Fransisco utilise fréquemment le jeu vidéo comme véhicule pour ses messages, ce sont les Future Farmers qui depuis 1995 (date de la création du studio par Amy Franceschini) a accueilli plusieurs artistes. Citons comme projet, NO WAR qui nous place dans la peau du président des Etats-Unis, incités malgré nous à faire la guerre pour maintenir la croissance (et éviter de se faire assassiner) (58), ou Pinga qui nous emmène capturer des pollens OGM pour éviter leur dissémination dans d'autres champs (59), le dernier travail ludique en ligne quant à lui est un jeu s'inscrivant dans un contexte écologique (60).
Parlons également de l'américain Brody Condon (61) qui, dans son détournement de Half-Life intitulé Adam Killer, place le joueur face à la boucherie du jeu : pas de niveau mais juste des adversaires, passifs qui plus est, et les armes du jeu, mitrailleuse, explosif et pied de biche...
Il récidive dans sa dénonciation de la violence avec Velvet-Strike (16), site qui propose au joueur de counter-strike de dire non à la violence en tagant des messages de paix sur les murs à l'intérieur même du jeu.
Il va plus loin encore dans son dernier projet (en collaboration avec Eddo Stern) : Waco Resurection (62), qui est un jeu où tout joueur se retrouve dans la peau du prophète David Koresh puisqu'il doit passer un masque et déclarer « I am David Koresh » pour lancer le jeu (avec la présence de voix dans la tête et de pouvoirs paranormaux), chargé de survivre a l'offensive du FBI. Pour moi c'est un pendant légitime (et drôle) à l'America's Army et de la propagande gouvernementale américaine.
Eddo Stern travaille de son côté la vidéo avec des extraits de jeu vidéo de guerre qu'il remonte à la recherche de plan similaire a ceux de Full Metal Jacket, ou Mash, son but étant de d'échapper à l'érosion de la mémoire (63).
Une pièce Suisse celle-ci, "reality check one" de Felix Stephan Huber (64), consiste en une installation composée de 3 moniteurs (et leurs lecteur DVD) ainsi que d’un ordinateur donnant accès a une représentation virtuelle de l’Alexanderplatz de Berlin, le spectateur étant invité a déambuler au milieu d’icônes immaginaires (Spiderman, Lara Croft) citant des textes ayant rapport au virtuel (citation de P.K.Dick ou de "Matrix"), non content de recycler le moteur d’un jeu il s’approprie également les mêmes mondes imaginaires. Pour mieux interroger le réel ?
Tournons-nous un peu vers la France pour parler d'artistes comme Martin Le Chevallier (65) qui, avec Gageure 1.0, nous offre une critique du monde du travail et de sa répétitivité, le tetris étant assimilé à toute forme de travail. D’autres projets comme vigilance 1.0 nous remettent face à notre société sécuritaire, le but du jeu étant pour nous, agents de sécurité derrière notre caméra, d'accumuler des points en dénonçant des actes d'incivilités.
Space-Invaders (66) est un site initié par un français qui a pour but de consteller le monde de mosaïque à l'effigie des aliens du célèbre jeu, il est ici question d'espace public s'opposant à l'espace privé (Space Invader étant traduit littéralement) et de réalité tangible opposée elle à la menace virtuelle.
Kolkoz enfin est un tandem d'artiste Marseillais qui par leur pratique, semble critiquer le fonctionnement du marché de l’art (67).

CONCLUSION

« L’amour du jeu est tellement universel et sa pratique tellement agréable que cela doit être un péché. »
Edward F Murphy
« La réalité, c’est ce qui fait mal quand on éteint l’ordinateur. »
John Warsen

J'ai choisi de porter une réflexion sur le jeu vidéo car il est, pour moi, un corollaire de l'interactivité, indissociable des nouvelles technologies et de l'informatique. Les réflexions qui l’animent, pourraient en théorie ouvrir de nouveaux champs, en particulier au niveau de l'Internet, encore trop souvent cantonné à un système rigoriste de menus et d'arborescence. Il est de plus source d'inspiration, de réflexion, mais aussi d'interrogation sur de nombreuses composantes de nos sociétés. Il est enfin pour l'informatique ce que l'Abécédaire est à la littérature, c'est-à-dire un premier pas dans un vaste monde fait de codes et de conventions. Il me semble en effet évident que la meilleure façon de se familiariser avec un ordinateur, c'est de le faire en jouant...
Il ne faut pourtant pas perdre de vue que le jeu vidéo est aussi l’un des plus gros mass média et que par conséquent il représente une boîte permettant de véhiculer des idéologies, que ce soit celles d’artistes (but louable mais peu connu), ou celles (plus discutable) du département Américain de la défense. « Le jeu est un excellent média pour traiter de sujets politiques » affirme Julian Oliver, membre d'Escape from Woomera, un jeu australien d'évasion traitant de l'immigration clandestine, qui tente d'éduquer et d'inculquer un regard critique aux joueurs (68).
Philippe Ulrich (69) avance l'hypothèse que si les jeux vidéo sont violents, c'est pour une raison purement technique, les programmateurs basant tous leurs programmes sur un événement anodin mais lourd de sens: le test de collision, tel sprite touche-t'il tel autre, tel pixel a-t'il un ennemi sur sa trajectoire, etc. C'est manifestement vrai pour nombre de jeux, et ce, dès l'origine, mais je trouve un peu cynique de croire que les créateurs seraient à ce point dénués de recul qu'ils se laisseraient ainsi guider par les seuls possibilités techniques. Je suis par contre totalement d'accord avec lui quand il dit, d'une part, que l'on a tous en nous de la violence et que le jeu vidéo peut nous aider à l'évacuer, et d'autre part que ces jeux "violents" peuvent également nous aider à apprivoiser le monde réel, qui est loin d'être dépourvu de violence (les journaux télévisés surclassant régulièrement en horreur bien réelle les plus violents des jeux).
Pour moi l'alternative (l'avenir), du jeu vidéo réside dans une approche coopérative proche de l'open source (notion qui existe déjà, les développeur fournissant régulièrement aux joueurs des SDK, mais qui est encore amenée a se développer), pour donner au joueur (en tout cas à ceux qui le souhaitent) un plus grand contrôle sur ce avec quoi il joue, et pourquoi pas découvrir de nouvelles formes...
Je pense que le jeu vidéo a maintenant atteint une maturité et une richesse qui lui confère, après la télévision et la bande dessinée le titre de 10 ème Art, malgré, ou peut être grâce, aux nombreux champs qui lui reste à explorer…



APPENDICES


WEBOGRAPHIE :

Actualité du jeu vidéo : http://www.gamekult.com
Critique de jeu : http://www.chronicart.com/archives/archives_liste.php3?rubrique=2#s
Historique du jeu vidéo : http://mapage.noos.fr/gamotek/Index.htm
Mémoire jeu vidéo et cinéma : http://infographie.univ-lyon2.fr/~pcombet/somem.htm
Abandonware (vieux jeux en téléchargement gratuit) : http://www.abandonware-france.org
Lexique de l’interactivité : http://www.abstractmachine.net/lexique/_main.html
Le Jeu vidéo et son Industrie Rassemblent leur Acteur Français : http://www.jiraf.org/
L’Art utilisant les technologies numériques : http://www.selectparks.net/archive/sp5.htm
Théorie (en anglais) : http://ludology.org/ & http://www.gamestudies.org/

FILMOGRAPHIE :

«Avalon» : Mamoru Oshii (2000)
«Existenz» : David Cronenberg (1999)
«Tron» : Steven Lisberger(1982)
«Wargames» : John Badhman (1983)
«Level 5» : Chris Marker (1996)
«Un jour sans fin» : Harold Ramis (1993)
«Dans la peau de John Malkovitch» : Spike Jonze (1999)
«Matrix»/«Matrix Reloaded»/«Matrix Revolutions» : Andy & Larry Wachowski (1999/2003/2003)
«Star Wars» : George Lucas (1977/1980/1983/1999/2002)
«Le seigneur des anneaux» : Peter Jackson (2001/2002/2003)
«Indiana Jones» : Steven Spielberg (1981/1984/1989)
«Terminator» : James Cameron (1984)
«Scarface» : Brian De Palma (1983)
«Taxi Driver»/«A tombeau ouvert» : Martin Scorcese (1976/1999)
«Blade Runner» : Ridley Scott (1982)
«Seven»/«Panic Room» : David Fincher (1995/2002)

BIBLIOGRAPHIE :

- CAILLOIS Roger, «Les jeux et les hommes», Gallimard, 1967.
Indispensable pour toute réflexion sur le jeu en général, ainsi que ses implications dans nos sociétés.
- CHOQUET David, «1000 game heroes», Taschen, 2002.
Nombreuses illustrations et la parole est donnée à de grands noms du jeu vidéo.
- LE DIBERDER Alain et Frédéric, «L’univers des jeux vidéo», La Découverte, 1998.
Très complet, la référence en Français sur le jeu vidéo.
- Hors Série, «Spécial Jeux Vidéo», Les Cahiers du Cinéma, septembre 2002.
Très bonne entrée en matière.
- Enquéte : «L’Art du jeu vidéo», Beaux Arts, Octobre 2002.
- TRONDHEIM Lewis, Les aventures sans Lapinot Tome 2 & 3, Dargaud, 2001.
Recueil des planches parues dans Science et Vie Mac, ironisant sur le statut du joueur, du concepteur de jeu vidéo et même plus largement du consommateur de produit high tech...
http://www.lewistrondheim.com/biblio.php3 ou http://www.dargaud.com/

LUDOTHEQUE :

Half-Life, Morrowind, XIII, Max Payne, Myst, Monkey Island, Gift, Fallout, Eco, Silent hill, Sonic, Mario, Tetris, Sim City, Bomberman, Rick Dangerous, Prince of Persia, etc...

Ce texte est le mémoire de 5éme année rédigé en 2004 pour le Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique (option Design Graphique) obtenu au Quai, école supérieure d’Art de Mulhouse avec les félicitations du jury.