« Le jeu n’a pas d’autre sens que lui-même. »
Roger Caillois
« Arrêter de jouer, c’est arrêter de vivre. »
Marilene Felinto
Le jeu vidéo se définit par deux composantes, d'une part le Jeu,
du latin jocus « plaisanterie » (le
terme apparaît entre le XI et le XII ème siècle et désigne
alors une pièce de théâtre) et d'autre part la vidéo,
« je vois », qui vient d'une racine
indo-européenne signifiant voir ou savoir. Les composés de ce
verbe donnent en français évident (e-videns), prudent et providence
(pro-videns donne pru-dens en latin) et envier (in-videre signifie "frapper
du mauvais oeil"). Le supin visum donne vision et visuel. Le mot sanscrit
Véda, qui signifie vision, est le titre des livres sacrés de l'Inde.
En grec, on trouve cette racine dans oïda, je sais et dans idein, voir,
qui a donné en français idée. Le petit Larousse définit
le jeu vidéo comme un programme informatique permettant de jouer seul
ou à plusieurs, installé le plus souvent sur une console ou un micro-ordinateur.
Pour Roger Caillois, le jeu se définit comme une activité libre
(consentie par le joueur), séparée (dans le temps et l’espace),
incertaine (dont l’issue n’est pas prévisible), improductive
(ne créant rien qui n’existe déjà), réglée
(par des conventions propres à chaque jeu) et fictive (dissociant le
jeu de la vie réelle) (1).
Avec un chiffre d'affaire de 30 milliard d'Euros, le jeu vidéo a d'ores
et déjà dépassé celui du cinéma et lorgne
maintenant vers les chiffres du marché de la musique. D'après
un sondage effectué par Digital Software Association en novembre 2003,
145 millions d'Américains jouent aux jeux vidéo (à peu
près 3 sur 5), la moyenne d'âge des joueurs est 28 ans et 43% serait
des joueuses. Cette industrie du divertissement vieille d'à peine trente
ans a contaminé presque tous les secteurs de notre société,
de l'ordinateur de bureau et son démineur jusqu'au téléphone
portable, en passant par le cinéma, la télévision et les
produits dérivés, il est partout. Source de polémique au
même titre que le Rock'n Roll ou les comics américains, il à
comme eux évolué et ne se contente plus de séduire les
plus jeunes mais cible plus large grâce à son offre pléthorique
(et le talent de certain créateurs). Mais son succès ne s'est
pas fait en un jour et dans un premier temps je donnerai quelque clés
pour comprendre un peu mieux l’histoire du jeu vidéo, plus loin
je tenterai d’établir une classification (illustrée a l’aide
d’exemples de jeux) pour mieux déterminer l'étendue de ses
possibilités, enfin j’étudierai les nombreuses interconnexions
existant entre lui et d’autres médiums (Art, Cinéma, Télévision,
Bande Dessinée, etc.).
« Dans chaque homme réside un enfant qui veut jouer. »
Friedrich Nietzsche
« L’homme est fait pour jouer, c’est le péché originel qui l’a condamné au travail. »
Claude Aveline
Le jeu n’a pas attendu l’avènement de l’écran
et du joystick pour s’emparer de l’homme. Bien au contraire, il
existe depuis longtemps et l’on peut supposer que même a l’époque
préhistorique, les enfants devaient singer leurs aînés,
jouant au chasseur, au tailleur de silex ou au chaman (1).
Le jeu vidéo a, quant à lui, un historique datable car tributaire
d’une technologie : en effet pas de jeu vidéo sans écran
de visualisation ni interface.
Loin de moi l'idée de faire ici la chronologie exhaustive de toute l'histoire
du jeu vidéo, ce n'est pas le propos et je n'en ai pas la compétence
(après tout je n'ai découvert ce monde que tardivement en jouant
a Bomber Jack sur un Amstrad CPC 6128), je me contenterai de rappeler quelques
dates et faits, et ce afin de planter le décor (2).
C'est en 1951 que le concept du jeu vidéo a été inventé
lorsque Magnavox (fabriquant américain de téléviseur) charge
Ralph Baer d'imaginer le poste du futur, celui-ci a l'idée d'y intégrer
un jeu, l'idée ne sera pas encore retenue mais les plans de Ralph Baer
disponibles un peu partout sur la toile lui assurent la paternité du
concept (3).
Il est amusant de constater que dès l’apparition des ordinateurs,
l’homme a utilisé le jeu pour en démontrer les capacités
: ainsi l’un des premiers supercalculateurs d’I.B.M. (sans doute
le 701) utilisait le morpion en 1953 pour démontrer au public sa relative
intelligence, ou en tout cas sa rapidité de calcul.
Dans le même esprit, 5 ans plus tard, à l’occasion d’une
journée portes ouvertes, un physicien américain du nom de Willy
Higinbotham détourne un dispositif utilisé pour calculer la trajectoire
des missiles (constitué d’un écran d'oscilloscope et d’un
ordinateur analogique) pour en faire un rudimentaire jeu de tennis : cet ancêtre
du PONG permettait une visualisation de profil du cours et du filet (symbolisé
par un T renversé); le joueur avait à sa disposition une molette
pour modifier l’angle de tir et d’un bouton pour le déclencher.
Tout était là, un écran de visualisation, un dispositif
permettant l’interaction et bien sûr un ordinateur qui régissait
le tout !
La légende raconte que l’attraction eut beaucoup de succès,
mais le prix (et la taille !) des machines de l’époque étaient
peu compatibles avec une éventuelle commercialisation, par conséquent
Willy ne déposât même pas de brevet…
Après les militaires, les suivants à s’équiper d’ordinateurs
furent les universités au sein de laboratoires de recherche. Là
aussi des hommes cherchèrent à exploiter le potentiel ludique
de ces puissantes machines et en 1962 une équipe d’une dizaine
d’enseignants et d’étudiants du MIT (Massachusetts Institute
of Technology) mettent au point Spacewar. Le joueur contrôle une fusée
et doit faire exploser celle de son adversaire à l’aide de missiles.
Les graphismes se résument à des lignes et des points et font
encore appel à l’imagination du joueur pour y voir fusées,
missiles ou encore étoiles. Néanmoins ce jeu fera rapidement le
tour de toutes les Facultés équipées de machines identiques,
la ludicité du concept s’alliant au plaisir de programmer.
La technologie évoluant et se démocratisant, les possibilités
commerciales commencent à voir le jour :
En 1966, David Rosen, à la tête de Service Game (SEGA), une société
japonaise spécialisée dans la fabrication et la distribution de
juke-box met au point et commercialise le Périscope, premier jeu d’arcade
de l’histoire. Il s’agissait, comme son nom l’indique, de
couler des bateaux à l’aide de torpilles.
À la même époque, aux Etats-Unis, Ralph Baer met au point
l’architecture de la console de jeu de salon et fait le tour des constructeurs
de télévision pour la développer et la produire. C’est
finalement Magnavox qui se lance dans l’aventure et en mars 1972 sort
L’Odissey. Cette console intégrait plusieurs jeux dérivés
du Pong, et égayait ses graphismes à l’aide de fonds semi
transparents et électrostatiques à positionner sur l’écran.
Quelque chose pourtant faisait encore cruellement défaut : le son.
La même année, Nolan Bushnell fonde Atari (terme désignant
la mise en échec au jeu de Go et dont le logo symbolise le mont Fuji-Yama)
et développe de juin à novembre la borne d’arcade
la plus célèbre de l’histoire du jeu vidéo: Pong.
Cette version, quant à elle, était dotée d’un unique
son (devenu mythique) produit au rebond de la balle. Le succès fut immédiat,
la première panne de l'appareil se produisit rapidement, il s'agissait
de l'engorgement du monnayeur...
Magnavox intente immédiatement un procès pour plagiat mais le
succès de Pong ayant des répercussions visibles sur les ventes
de l’Odissey, ils se contenteront de demander des royalties.
Nombre de constructeurs se lanceront sur les traces de l’Odissey pour
produire leur propre console, avec quelques rares innovations, cartouches pour
changer de jeux, pistolet ou fusil optique pour jeu de tir, etc.
Peu après apparaît Nintendo. À l’origine fabriquant
japonais de cartes à jouer, il développe à la fin des années
70 un nouveau marché lié au jeu vidéo, encore une fois
dérivé d’une technologie : celle de l’écran
à cristaux liquides hérité des montres et des calculatrices.
Elle crée donc toutes sortes de mini jeux à piles, où il
faut tantôt recevoir des jeunes filles tombant du ciel, tantôt aller
dérober des pièces d’or en évitant les tentacules
d’une pieuvre…
À cette nouvelle concurrence, s’ajoute celle des ordinateurs individuels
qui, se démocratisant, rendent obsolètes les consoles de jeu,
devenues gadgets emblématiques des années 70.
L’ordinateur a en effet une aura à l’époque que seules
les consoles à tout faire d’aujourd’hui commencent à
rattraper, la sacro-sainte utilité. Les gens préfèrent
acheter un ordinateur polyvalent, permettant de faire les comptes (sigh), de
s’essayer à la programmation (resigh) et, éventuellement
de jouer, d’autant plus que son usage n’empiète pas sur celui
de la télévision grâce a son écran dédié.
Les ordinateurs seront aussi une bouffée d’air frais pour l’innovation
vidéo ludique, chacun pouvant dans son coin s’essayer à
la création d’un jeu.
Ainsi nous voici à la première crise du jeu vidéo : trop
de marques (pour un même type de jeu dans un marché plutôt
frileux) face à une concurrence dynamique et innovante, signe l’arrêt
de mort de nombre de ces constructeurs de console quasi générique
(la fin rapide de ses standards étant un des leitmotiv du monde du jeu
vidéo, et la méfiance des clients une de ses conséquences).
Cette crise de créativité au niveau des jeux à la fin des
années 70 n’est pourtant pas dénuée de certaines
innovations :
- Space Invader avec l’apparition du score qui permet de s’inscrire
dans la machine et donc de se mesurer à des adversaires par l’intermédiaire
de ses initiales (3 lettres).
- Defender pour l’apparition du défilement (scrolling) : là
où Pong, Pac-Man, Space Invader enferment le joueur dans les limites
de l’écran, Defender, lui, permet à l’aide d'un travelling,
d’imaginer un monde au-delà de celui-ci.
Faisons une parenthèse dans le jeu vidéo pour introduire deux
composantes fondamentales de celui-ci, et qui se démocratisent dans les
mêmes années : le Wargame et le
jeu de rôle.
Ceux-ci ont des racines anciennes et prestigieuses. Au début du XIX ème
siècle un stratège prussien invente des règles de combat
de figurines en plomb pour simuler des batailles, et au XX ème siècle,
H.G. Welles s’y adonne à son tour. Dans les années 50, Avalon
Hill invente le terme Wargame, ainsi que les
pions en carton symbolisants les unités et la carte divisée en
hexagone.
Gary Gigax franchit un pas en ramenant l’aventure à l’échelle
d’un seul héros (du moins un par joueur) et qui au cours de la
partie, a la capacité d'évoluer. Le jeu
de rôle apparaît aux yeux du grand public en 1974 sous l’appellation
Donjon&Dragon. Il n’a cessé depuis de se développer,
que ce soit par les thèmes abordés ou le réalisme des règles
(plus celles-ci chercheront à transcrire fidèlement la réalité
et plus elles se complexifieront).
À la différence du Wargame
(qui d’ailleurs se joue rarement à plus de deux et souvent même
seul) où chaque joueur joue une armée, il faut pour le jeu
de rôle un arbitre / conteur (appelé maître de jeu).
C’est lui qui présente l’aventure (plus ou moins linéaire
et dirigiste suivant ses propres capacités à l’improvisation)
aux joueurs et qui résout les conflits entre ceux-ci et leur environnement
(le plus souvent à grand renfort de jet de dés). On peut se projeter
dans la peau d'un magicien (ou d'une amazone) évoluant dans un monde
plus ou moins emprunté à Tolkien, un vampire hantant les rues
de Chicago pendant la prohibition ou encore un guerrier apocalyptique d’un
futur à la "Blade Runner". La
seule limite à ce jeu étant l’imagination, que ce soit celle
du meneur de jeu, autant que celle des joueurs. L’engouement pour ces
deux nouveaux genres inspirera un grand nombre de jeux vidéo, en particulier
dans le monde informatique où l’interface plus complexe (clavier,
souris) et une technologie en avance sur les consoles offraient plus de liberté.
Le renouveau arrive en 1983 au japon avec la console NES (Nintendo Entertaining
System), simple et bien conçue. Suffisamment rôdée sur son
marché interne, elle part en 86 à l’assaut des Etats-unis
avec une politique commerciale très agressive, basée sur une console
vendue à prix coûtant, le constructeur se rattrapant sur la vente
des jeux. Nintendo défraya la chronique par son attitude monopolistique
vis-à-vis des producteurs de jeux, entravant la libre concurrence (les
éditeurs et distributeurs de jeux Nintendo ayant interdiction de travailler
avec le concurrent direct Sega).
Sega en effet était un clone de Nintendo et l’affrontait dans une
guerre marketing plus que technique. Sa Master System étant plus ou moins
identique, il fallait se distinguer autrement : Sonic le hérisson étant
l’anti-Mario. L’irrévérencieux affrontant le politiquement
correct et pour reprendre la métaphore qu’emploient Alain et Frédéric
Le Diberder : « Sega était à Nintendo
ce que Pepsi était à Coca-Cola » (4).
Toujours est-il que la concurrence se fait au profit du consommateur qui voit
arriver avec ces consoles 8 bits (quantité de données gérées
par leur processeur à chaque cycle) nombre de très bons jeux.
Le marché Européen est épargnés (car trop petit)
jusqu’en 1987, ce qui permet le développement de petits studios
de création, qu’il soit Anglais (Bitmap Brother) ou Français
(Titus) pour n’en citer que deux. Ils travailleront sur les ordinateurs
équipant les ménages de l’époque : Amstrad, Atari
et Amiga.Cette accalmie ne sera que passagère et en 87 la NES et la Master
System auront ici comme ailleurs un énorme succès.
Puis arrivèrent les portables, la Game Boy (8 bits) chez Nintendo avec
son autonomie de 11h et son célèbre Tetris, et la Game Gear (8
bits) chez Sega avec son écran couleur et sa consommation astronomique
de piles…
Atari s’essayera aussi avec la Lynx (16 bits) sur le marché des
portables mais son prix élevé et la faible quantité de
jeux ne lui permettront pas d’avoir une carrière à la hauteur
de sa technique.
Début des Années 90 apparaît la Megadrive de Sega, première
console 16 bits, suivie de la Super NES (elle aussi 16 bits).
La plupart des jeux pour ordinateur antérieur à 94 sont trouvables
gratuitement et légalement sur les sites d'abandonware (5).
En 1994, deux géants de l’industrie décident de partir à
l’assaut de ce "nouveau" marché, Sony avec sa console
: la Playstation (32 bits), et Microsoft sur PC, qui tente d’uniformiser
le marché en rayant MS-DOS (tout sauf convivial) au profit de Windows
95 (largement inspiré de l’environnement Macintosh).
Sega réplique la même année avec la Saturn (32 bits), alors
qu’il faudra 2 ans de plus à Nintendo pour sortir sa N64 (64 bits).
Elles souffriront toutes deux d’un parc logiciel très inférieur
à celui de la Playstation, Sony ayant une politique de développement
de jeu très encourageante (politique qui fut payante sur le long terme
mais qui faillit les couler).
1996 est aussi l’année de l’apparition "en masse"
des jeux en vrai 3D (Quake & Tomb Raider
par exemple), la Playstation ayant été développée
dans ce but.
En 1998 Sega lance ce qui sera sa dernière console, la très respectée
Dreamcast (128 bits) qui elle aussi souffrira d’un manque de titres, quoique
nombre d’entre eux seront de très bonne qualité.
Sega n’existe plus aujourd’hui que comme producteur / éditeur
de jeux.
En 2000 Sony confirme sa position avec sa Playstation II (128 bits) qui, amélioration
notable dans le monde des consoles, permet de jouer à tous les jeux de
la Playstation I, ainsi que la lecture de DVD.
2001 : Microsoft sort la X-box, elle aussi capable de lire les DVD et dotée
d’un disque dur de stockage (cette console, issue du monde PC, est censée
simplifier le développement de jeux sur les deux plates-formes) qui avec
son prix élevé et la mauvaise réputation de Microsoft ne
remplit pas immédiatement ses objectifs en termes de vente…
Cette année-là, Nintendo donne une seconde vie à la Game
boy en lançant la version Advance dotée d’un écran
couleur et dont la capacité à jouer les jeux de son ancêtre
lui ouvre un parc de cartouches de jeux préexistant énorme. C'est
aussi l’année de la sortie de la GameCube qui, contrairement à
la Playstation II et la X-box, se contente d'être une machine uniquement
dédiée au jeu. Cependant le savoir faire de Nintendo en la matière
réussit à maintenir les ventes et même aujourd’hui
cette console semble avoir encore quelques années devant elle.
Dès l'apparition du jeu vidéo, on assiste aussi à la naissance
de son piratage, qui, si il est préjudiciable aux producteurs de jeu
(qui n'ont de cesse de chercher des nouveaux procédés anti-copies)
favorise souvent la vente de la machine. Ainsi les ordinateurs ont toujours
profité de ce marché parallèle, presque comme un argument
de vente, les cartouches du début des consoles de jeu étant plus
difficilement reproductible que les disquettes (ou maintenant les CDs).
Cependant depuis la Dreamcast, toutes les consoles ont connu une puce pour les
débrider (conçue à la base pour permettre de jouer à
des jeux importés du Japon ou des Etats-Unis). La X-box, dont on dit
dans le milieu du jeu vidéo qu'elle est une machine rêvée
pour les hackers (car proche d'un PC, et peut être aussi car tout ce qui
vient de chez Microsoft est cible privilégiée du piratage) peut
facilement être modifiée pour lui faire accepter le changement
de disque dur (plus gros et/ou plus rapide) ou l'utilisation de programmes spécifiques
(comme des lecteurs DivX).
Il est amusant (rassurant ?) de constater que la justice Italienne ne sanctionne
pas la modification des consoles, « considérant
que la puce permet de récupérer toutes les fonctions matérielles
de la console » (6).
Cependant, maintenant que toutes les consoles ont des lecteurs de DVD, que les
ordinateurs sont équipés de graveurs et de connexion Internet
haut débit, il est beaucoup trop facile de faire des copies de n'importe
quel jeu et ce piratage représenterait 1 milliard d'Euro de perte par
ans.
Pas de recette miracle pour enrayer ce phénomène qui touche aussi
la musique et le cinéma, si ce n'est peut être de réfléchir
à une politique tarifaire qui satisfasse tout le monde...
Toutes ces années d'avancées techniques ont permis d’enrichir
les jeux graphiquement, nous conduisant petit à petit vers le photo réalisme,
cependant la cohérence d'un jeu est souvent plus importante que son réalisme (7).
Le problème est que depuis le jeu de combat jusqu’à la simulation
automobile ou le jeu d'aventure, quasiment tout ce qui se fait actuellement
trouve un ancêtre dans les machines des années 80 : Commodore 64,
Amstrad CPC, Apple II puis Atari ST et Amiga. Les seuls changements notables,
dus à l'accroissement de la capacité de stockage des supports
de jeu, se font au niveau de l'histoire qui si elle s'étoffe, place également
le joueur dans une position souvent de plus en plus contemplative. Position
qui peut devenir gênante, l'histoire étant parfois un frein à
l'immersion, les personnages les plus transparents permettant au contraire un
oubli de l'autre et une appropriation plus facile, et comme le dit justement
Rob Fullop en 1993 « In a game, Mario isn't a hero.
I don't want to be him; he's me. Mario is a cursor » (8).
« Il faut jouer pour devenir sérieux. »
Aristote
« L’opposé du jeu n’est pas le sérieux mais la réalité. »
Sigmund Freud
Dans le marché extrêmement vaste, varié et fragmenté
qu’est celui du jeu vidéo, il est important de tenter d’établir
une classification. Celle-ci nous permet de mieux cerner ce monde afin de mieux
le comprendre.
Il y aurait de nombreuses méthodes pour établir cette classification
:
- On pourrait distinguer le public visé, celui-ci ayant beaucoup évolué
depuis l'origine, ou il était plutôt destiné aux jeunes
garçons, alors qu'à l'heure actuelle de plus en plus de jeu ciblnt
des adultes, que ce soit par leur contenu violent (GTA, Manhunt, Carmageddon)
ou leur trop grande complexité (Flight Simulator), tandis que d’autres
cherchent de nouvelle cibles. On peut noter à ce niveau l'énorme
succès des Sim's (dont nous reparlerons plus loin) auprès des
filles puisque 60% des joueurs serait des joueuses.
- On pourrait également distinguer les jeux par la façon d’y
jouer : seul (contre l’ordinateur ou d’autres adversaires par l’Internet)
ou à plusieurs sur une même machine (chacun son tour ou en écran
Splitté).
Les pratiques vont parfois plus loin et certain admettent fréquenter
les salles de jeu pour le seul plaisir de regarder, tandis que d'autres ne jouent
pas mais sont le véritable coach (a la fois entraîneur et manager)
d'équipe de joueurs professionnels.
Mais ces méthodes de classement, même si elles peuvent nous éclairer
sur certaines facettes du jeu, nous éloignent de l’essentiel :
que cherche le joueur quand il y joue ?
C'est Roger Caillois (1)
qui va nous aider à répondre à cette question. Ayant étudié
les rapports entre les hommes et le jeu, il voit pour le jeu quatre inclinaisons
fondamentales :
- Agôn : la compétition et le besoin de se mesurer à l'autre
(que l'on trouve aussi bien dans l'athlétisme qu'aux échecs).
- Alea : la chance et le fait de se remettre entre les mains du destin (typiquement
les jeux de dés).
- Mimicry : ou le besoin de se travestir, devenir autre, qu'il appelle aussi
Simulacre (poupées et panoplies).
- Ilinx : vertige, transe, effroi (balançoire, tourniquet, saut à
l'élastique sont des exemples de jeux dont la composante principale et
l'Ilinx).
Chacune de ces catégories est échelonnée entre deux extrêmes
de la Paidia (chaos et spontanéité) jusqu'au Ludus (réglé
et arbitrairement défini).
Mais le transfert de ces catégories au jeu vidéo n’est pas
si simple, principalement car la plupart des jeux sont à la frontière
de toutes ces catégories (un jeu de course automobile comme Gran Turismo
relève à la fois de la simulation bien sûr, mais aussi du
vertige et de la compétition, le hasard quant à lui ayant une
place particulière au sein de l'informatique et donc du jeu vidéo).
La classification de Grospixels.com (9) même
si elle n'est pas parfaite donne un bon aperçu de la richesse et de la
variété en matière de Jeu Vidéo puisqu'elle distingue
19 genres différents :
– Action Aventures : Legend of Zelda, Shenmue, etc.
– Arcade (ou Borne d'Arcade)
– Aventures : Runaways, Myst, In Memoriam, Sam & Max, Les chevaliers
de Baphomet, etc..
– Beat them all : Streets of Rage, Fighting
Force, Double Dragon, Devil May Cry etc.
– Beat them up : Kung Fu Master, Trojan, Rygar etc.
– Casse-tête/Réflexion : Tetris, Columns, Docteur Mario,
Bust a Moove, Push Over etc.
– Combat : Street Fighter, Tekken, Virtua Fighter, Fatal Fury, Rival Schools,
Dragon Ball Z, etc.
– FPS : Doom, Quake, Unreal, Half Life,
Medal Of Honor, etc.
– Gestion : The Sims, Theme Park, l'Entraineur, Populous, Sim City, Railroad
Tycoon etc.
– MMORPG : Worl of Warcraft, Asheron's
Call, Everquest, Ultima Online pour les univers Heroïc
Fantasy, Matrix Online, Star Wars Galaxy ou Anarchy Online pour les univers
plus SF.
– Plateforme : Super Mario, Sonic, Rayman, Tomb Raider, Castlevania, Prince
of Persia, etc.
– Jeu de rôle : Final Fantasy, Ultima,
Baldur's Gate, Fallout, Star Wars KOTOR, ou encore la série The Elders
Scrolls : Arena, Daggerfall et Morrowind.
– Shoot them up : Parodius, R-Type; Xenon,
Space Invader, Space Harrier, etc...
– Simulation (de sport, de voiture, de vol, etc.) (10)
– Stratégie temps réel :
Command & Conquer, Dune 2, WarCraft (1,2 et 3), etc.
– Survival : Resident Evil, Silent Hill, Metal Gear Solid, Max Payne,
Fear Effect etc.
– Tactic-RPG : Shining Force, Dragon Force,
Ogre Battle, Final Fantasy Tactics, etc.
– Tir : Duck Hunt, House of the Dead, Virtua Cop, Time Crisis, Mad dog
Mc Cree etc.
– WarGames : Fields of Glory, Civil War
etc.
Cette énumération est un peu redondante pour le non initié
(11), qui
ne différencie finalement pas vraiment le Beat them all du beat them
up ou du jeu de combat; on peut donc, comme l'on fait Alain et Frédéric
Le Diberder (4),
regrouper ces sous genres sous des bannières plus généraliste
dégageant trois pôles distincts, tantôt antinomiques, tantôt
complémentaires suivant les jeux :
- Un pôle action où le joueur se défoule et prend plaisir
en éprouvant ses réflexes. C'est la forme la plus répandue,
elle foisonne sur console, et est la seule représentée dans les
salles d'arcade,
à tel point que pour savoir si un jeu est ou non d'action, il suffit
de se demander si il est présent dans une salle de jeu. Elle est aussi
plébiscitée par les joueurs et s'étend du casse brique
(Arkanoïd), au Shoot
them up (R-Type), Beat
them all (Double Dragon) ainsi que les Doom-like
et les simulations sportives simplifiées (type borne d'arcade
justement).
- Un pôle réflexion : s'étendant du jeu de stratégie
où la vitesse est bannie (jouable tour par tour) jusqu'au jeu d'aventure
où la mort n'existe pas (type Monkey Island, Myst, etc.) en passant par
les adaptations de presque tous les jeux traditionnels (Monopoly, Echec, jeux
de carte, etc.) et bien sur toutes sortes de puzzle et casse tête (excluant
ceux principalement basés sur la vitesse).
- Un pôle simulation : c'est le pôle le plus complexe à cerner
car il empiète bien souvent sur les deux autres. On peut quand même
lui attribuer sans hésitation tous les jeux "réalistes"
de gestion complexe de systèmes, qu’ils soient sociaux, économiques
ou même écologiques, par exemple : Sim City, Sim Ant, les Sim's,
Railroad Tycoon etc.
De la même manière, il est évident qu'à partir d'un
certain degré de complexité, les jeux de course (et d'autres également
selon les mêmes critères) quittent le domaine de l'arcade / action
pour rentrer dans celui de la simulation, ainsi Grand Prix 2 permet d'accéder
à de nombreux réglages de la voiture décourageant la plupart
des néophytes mais élément indispensable pour le vrai passionné...
De nos jours, ces catégories tendent à se fondre afin de fournir
au joueur l’expérience ludique la plus complète possible
(ou bien à ratisser plus large...)
Détaillons maintenant quelques uns de ces jeux, en débutant par
l'un des plus célèbre: Tetris (12),
crée par Alexei Pazhitnov puis commercialisé dès 87, ne
rencontreras son immense succès qu'en 89 puisque vendu avec la Game boy.
Je crois savoir que Pajitnov ne reçut pas grand-chose pour son invention
mais son poste actuel chez Microsoft doit lui faire oublier ces années
de perestroïka. Assez pour l'anecdote, ce jeu est important dans le jeu
vidéo car contrairement à beaucoup d'autres, il n'est pas l'adaptation
de quelque chose d'existant "dans le monde réel", à
ce titre on peut le qualifier de pure création. Certes il emprunte un
peu au concept du puzzle, mais contrairement à celui-ci, qui est un exercice
d'observation, de patience, bref de réflexion, Tetris est au contraire
un jeu arcade
, n'importe quel joueur ayant fini le jeu a une vitesse élevée
ne pourrait que confirmer ces propos. Graphiquement pauvre, il eut pourtant
un grand succès, la simplicité du concept (du gameplay)
étant si efficace qu'elle masque la répétitivité
du jeu.
Prenons un autre jeu, le mythique Space Harrier (13)
qui fut l'un des premiers Shoot
them up à suggérer la 3ème dimension, il utilisera
pour cela le savoir faire de Sega en matière de simulation automobile
(type OutRun) reprenant cette profondeur de champs fictive propre aux jeux de
course (la route étant un ruban gris plus large en bas de l'écran
qu'en haut). Le joueur incarne le héros vu de dos et qui court droit
devant lui, les monstres étant des petits sprites
sur la ligne d'horizon grossissants au fur et à mesure qu'ils s'approchent.
Chaque niveau se terminant par un boss,
une espèce de gros dragon nécessitant de nombreux tirs pour être
détruit. Ce fut, à ma connaissance, le premier shoot à
offrir une vue autre que supérieure (correspondant au scrolling vertical)
ou de profil (correspondant au scrolling horizontal), mais ce ne fut pas le
dernier, loin de là, Sega remettant le couvert peu après avec
Afterburner.
Restons dans les jeux d'action et abordons l'un des genres les plus prisés,
à la fois des éditeurs et des joueurs bien sûr, mais aussi
le plus prisés par la critique qui lui reproche son excès de violence
et de réalisme, celui du FPS.
Si l'on prend l'exemple de Counter Strike, choisi pour sa grande place accordée
dans les médias. Ce jeu en ligne place le joueur dans la peau, au choix,
d'un terroriste ou d'un anti-terroriste, il a pour mission d'exterminer les
membres de l'équipe adverse et/ou un objectif (libérer / conserver
des otages, amorcer / désamorcer une bombe, etc.). Ce jeu malgré
le contexte violent, est vécu par les joueurs comme un sport d'équipe,
nécessitant réflexe, précision et tactique de groupe, réfutant
d'emblée les 2 reproches qu'on lui fait : désociabilisation et
recherche de la violence pour ce qu'elle est. En effet ces joueurs font partie
d'une communauté, parfois physique, le plus souvent électronique,
fréquentant les mêmes cybercafés (14)
et/ou les mêmes forums de discussion, partageant une passion pour le jeu
mais plus que cela, en effet pour les plus mûrs de ces adeptes, l'économie
et la politique sont également source de discussions qui sont loin des
clichés que l'on pourrait imaginer (les dits adeptes étant souvent
âgés de 25 a 35 ans et ayant fait des études...) (15).
A noter qu'il existe une version offline
de ce jeu, où l'on peut affronter des bots,
en lieu et place d'adversaire humain, mais le prix du titre, inférieur
de moitié aux concurrents laisse présager du peu d'intérêt
de ce genre si on le réduit à un affrontement contre la machine...
Fondamentalement, ce jeu n'est pas plus violent que les informations, un manga,
ou qu'une bande de gamins jouant à la guerre, chaque fois que notre personnage
meurt, il suffit d'attendre qu'une équipe gagne pour le voir ressusciter
tout comme nos ennemis. Et lorsque l'on "tue" quelqu'un c'est pour
le voir dans la seconde nous reprocher notre chance ou bien nous féliciter
pour la beauté du geste...
Tout le monde ne partage pourtant pas cette opinion certes un peu idéaliste
(16) mais nous reparlerons de ce site dans la partie
hybridation.
Une autre forme de violence bien plus redoutable et celle, idéologique,
véhiculée insidieusement par certains jeux qui voudraient jeter
des passerelles malsaines entre réalité et fiction. Prenons America's
Army (17),
un FPS très proche de Counter Strike dans le principe de jeu mais beaucoup
plus réaliste et précis dans le contexte, ainsi que dans son but
à demi avoué: recruter pour le corps des Marines Américain.
Ce jeu me paraît d'autant plus malsain que, distribué gratuitement
sur Internet, il frise la concurrence déloyale et se révèle
être un vrai outil de propagande.
Puisque l'on traite de la violence je ne peux pas ne pas parler de Grand Theft
Auto III Vice City (18),
que l'on se doit de classer dans la case Action. Les images du héros
armé d'une tronçonneuse et découpant des policiers ont
fait le tour des écrans, et si vous les avez vues, je comprends qu'elles
puissent vous avoir choqué; comme elle l'on fait pour moi quand j'ai
vu un père laisser son enfant de 5 ans jouer avec, comme si il s'agissait
de n'importe quel jeu de course automobile, lui ayant cependant expliqué
que « la violence ce n’est pas bien »
(sigh) (19).
Mais remis dans son contexte (c’est-à-dire un jeu adressé
aux plus de 16 ans par la signalétique, donc aux adulescents) le contexte
violent devient bien plus anodin. A l'origine le jeu était en 2D
avec une vue de haut, et proposait (pour changer) d'incarner un voyou dans des
rues de villes des Etat-Unis, le score (une somme en dollar) augmentant lorsque
l'on vole des voitures, écrase des policiers et remplit des missions
au goût plus que douteux (tuer la femme de son patron en faisant croire
à un accident de la route). Cela peut sembler atroce mais le jeu plein
d'humour était plutôt défoulant, amusant, original et loin
d'être réaliste de par la perspective adoptée par le jeu.
Mais le 3ème opus du jeu a bien profité des améliorations
de la 3D,
et on se retrouve avec un jeu un peu trop simulationniste, ce qui, quand on
a le recul nécessaire est très agréable, après tout,
voir "Scarface" n'est pas une incitation
à la violence, et justement si GTA Vice City simule quelque chose c'est
le Miami de 2 flics a Miami ou de "Scarface",
et non pas le vrai Miami (20).
L'originalité de ce jeu n'est pas son excès de violence, d'autres
ont fait pire mais la liberté qui est offerte au joueur de parcourir
la ville et de faire ce qui lui plaît : se prendre pour Nicolas Cage dans
"A tombeau ouvert", volant une ambulance
pour ensuite faire des trajets aller/retour entre l'hôpital et les rues
de la ville, puis préférer voler un Taxi pour imiter Robert De
Niro dans "Taxi Driver", conduisant
docilement no client jusqu'à ce que, celui-ci, complètement détruit
ne rende l'âme devant un commissariat de police... Ce jeu, comme beaucoup
d'autres, a réuni sa communauté de fans, se rencontrant sur des
sites ou des forums (21).
Un autre jeu dont on entend énormément parler en ce moment, autant
pour son succès que pour les questions qu'il ne manque pas de soulever
sur son passage est les Sim's. Ce jeu appartient à la catégorie
simulation et offre l'opportunité au joueur de contrôler la vie
(et l'environnement) d'un ou plusieurs personnages virtuels, les sims. Le concept
comme d'habitude ne date pas d'hier et la simulation de vie sociale semble être
apparue il y a 20 ans avec Little Computer People, un jeu proposant de suivre
le quotidien d'un personnage dans son appartement 24h/24 (22).
Plus tard est apparue Creatures (23),
un jeu fourni avec des oeufs (virtuels bien sûr) à faire éclore,
puis à éduquer et à protéger, mais au contraire
des Sim's ou de LCP, on était chargé dans ce jeu d'éduquer/de
dresser des boules de poils (ressemblant au Mogwai du film Gremlins). A peu
prés à la même époque (le genre étant a la
mode) sont apparus les Virtual Pets (chien ou chat ayant élu domicile
dans l'écran de l'ordinateur) et les Tamagotchi, ces espèces de
"porte-clés vivant" commercialisés par Bandai (importateur
européen de Nintendo).
Les Sim's donc sont un gros succès (24),
qui suscite jalousie et convoitise au sein de la concurrence (25),
mais qui provoque aussi des réactions inattendues comme ce livre de Chloé
Delaume qui s'est amusée a concrétiser par le biais du jeu, un
personnage de fiction crée auparavant à son image pour un autre
livre, momentanément sans domicile fixe et donc heureux de se créer
son chez-soi, même virtuel; en ont résulté plusieurs présentations
de son travail et un livre (26).
L'intérêt des jeux de simulation est dans ce que Alain et Frédéric
Le Diberder définissent par les jeux appartenant à ce genre comme
des « jouets logiciels » (27),
ils veulent dire par là, que n'offrant pas de réel but, le jeu
consiste surtout à expérimenter les variables du système.
Certains, comme Gonzalo Frasca, souhaiteraient pousser l'expérimentation
plus loin et voudraient développer sur la base des Sim's une version
librement customisable permettant d'étudier et de discuter la réalité
sociale (28).
Ce qui se produit déjà dans une moindre mesure dans la version
Online
des Sim's (sortie retardée pour le moment en Europe) qui sert de laboratoire
d'étude à un universitaire américain Peter Ludlow (pseudo
: Urizenus), et dont les travaux sur le coté underground du jeu lui ont
valu d'être exclu par l'éditeur Maxis (29).
Mais les joueurs ont différentes parades à ces entraves à
leur liberté d'expression (pourtant fondamentale au Etats-Unis), l'une
d'elles étant le piratage du code source du jeu afin de créer
des serveurs autonomes, une autre de se rabattre sur un autre jeu concurrent
moins regardant sur les activités des joueurs (30).
Parlons un peu jeu
de rôle pour changer de registre, ce genre devient a lui seul presque
aussi vaste que l'ensemble du jeu vidéo, en effet de plus en plus de
jeux se revendiquent comme appartenant à cette famille, souvent abusivement,
le simple fait que l'on puisse choisir le nom de son personnage et que celui-ci
ait un inventaire suffisant parfois à justifier cette classification...
Mais il n'en est rien, et pour un bon jeu de rôle,
ce qu'il faut avant tout c'est de la liberté; pas celle de tuer tout
le monde comme dans GTA (quoique), mais plutôt celle qu'offre Morrowind
de finir l'aventure en ne dégainant ni épée ni sort, ou
bien celle de Star Wars Knight Of The Old Republics (affectueusement surnommé
KOTOR) qui permet au joueur de devenir un Jedi autant que de sombrer du coté
obscur de la force (31).
Il est entendu que le joueur ne pourra avoir comme liberté que celle
que les programmeurs lui auront laissée (32),
mais il est de plus en plus fréquent (même si ça a toujours
existé) que le joueur soit perdu face a autant de possibilités:
par exemple nombre de joueurs ont été déçues par
Morrowind à cause de ce qui leur a semblé être une absence
de scénario, là où au contraire on leur en offrait une
infinité (potentiel). En effet les développeurs mettent de plus
en plus souvent les passionnés à contribution, leur offrant les
outils de développement (appelé SDK)
nécessaire à la création de nouvelles histoires, le jeu
s'enrichissant continuellement (et presque gratuitement) (33).
Ce genre est présent aussi bien sous la forme de FPS,
comme dans Deus Ex qui donne au joueur l'apparence d'un cyborg, et lui donne
le choix entre l'infiltration fine ou la force brutale pour venir à bout
des obstacles, avec à la clé différentes fins en fonction
des choix du joueur...
Cette catégorie est également intégrée à
des jeux d'aventure où l'action est résolue au tour par tour,
le joueur ayant tout le temps d'étudier toutes les options avant de décider
de la conduite à tenir, comme par exemple dans Fallout, ou Baldur's Gate.
Cependant l'avenir immédiat du jeu
de rôle se situe sans aucun doute Online,
en effet c'est avant tout un jeu de société et il paraît
évident que si le meneur de jeu devient facultatif dans des MMORPGs
(son travail d'arbitrage étant accompli par le programme du jeu), la
recherche de partenaires humains pour vivre en commun des aventures reste l'un
des grands plaisir du genre.
L'un des écueils par contre est que pour rentabiliser les serveurs nécessaires
au bon fonctionnement de ces mondes persistants, on demande au joueur de s'acquitter
d'un abonnement mensuel qui rebute le joueur occasionnel. L'usage de licence
(Star Wars, Matrix) ou l'utilisation d'univers familiers (Warcraft) est alors
le meilleur moyen de « remplir » les serveurs, assurant la rentabilité
du titre, donc sa mise à jour et donc (en théorie) son succès...
Prenons Star Wars Galaxy, qui propose au joueur d'incarner (dans l'intervalle
entre l'épisode 4 et le 5) un rebelle, un serviteur de l'empire, ou encore
un personnage neutre, là encore la liberté est un aspect fondamental,
celui qui veut créer un personnage d'artisan (100% non violent), ou bien
un dresseur d'animaux ou même un danseur, peut le faire (34).
La nouveauté c’est qu’il n’y a pas dans ce jeu de personnage
non joueur (PNJ)
chargé du commerce ou du divertissement, et ce afin d’encourager
les joueurs à embrasser ces carrières…
Je vais assurer la transition avec un autre genre à succès (35),
le jeu de stratégie
temps réel, en parlant de Warcraft 3 dont les auteurs ont misé
sur l'intégration d’éléments de jeu
de rôle dans leur gameplay.
Il en résulte un jeu hybride alternant phase rôliste où
l'on fait gagner des Xps
à nos héros, puis phase de stratégie où l'on doit
conquérir des objectifs et/ou annihiler l'adversaire. Mais ce genre de
jeu ne prend tout son sens que lorsque l'on joue en réseau face à
des adversaires humains, l'intérêt étant alors d'échafauder
des stratégies en fonction de nos troupes et de celles de l'adversaire;
la connaissance et la maîtrise du jeu étant alors une aide précieuse
(une connaissance parfaite des raccourcis clavier permet de réagir plus
vite que l'adversaire).
« L’imaginaire, c’est ce qui tend à devenir réel. »
André Breton
« La réalité n’est qu’un point de vue. »
Philip K. Dick
Comme nous l'avons vu, les jeux vidéo, partis de rien, sont devenu l'un des plus gros marché dans le domaine des loisirs, cette croissance impressionnante en l'espace de 3 décennies ne s'est pas faite toute seulle et le jeu vidéo a énormément emprunté au cinéma, mais aussi à la littérature, aux jeux traditionnels et bien sûr au monde de l'art. Ces emprunts ne sont cependant pas restés à sens unique et je vais essayer ici de pointer quelques hybridations entre le jeu vidéo et ces autres médiums.
Le premier axe d'emprunt mutuel, historiquement, se fait avec le jeu traditionnel
: en effet on a d'abord adapté des jeux préexistants (le tennis,
le morpion, les échecs, les jeux de cartes, les sports, mais aussi et
nous en avons déjà parlé, les jeux de rôles et les
wargames) pour en faire des jeux vidéo. Ca n'a sans doute pas toujours
donné les jeux les plus révolutionnaires ou les plus innovants,
mais pour toucher un vaste public, quoi de mieux que de lui offrir sous une
autre forme ce qu'il connaît déjà ?
Le jeu vidéo quant à lui, a peu à peu commencé à
influencer le jeu traditionnel, tout d'abord parce qu’il partageait (et
il partage souvent encore) les mêmes points de vente, ensuite grâce
aux produits dérivés de celui-ci (on ne compte plus les figurines
Final Fantasy ou Lara Croft); enfin car la façon même de jouer
a évolué depuis l'apparition de cette nouvelle forme de loisir
: par exemple, on peut légitimement penser que les Tamagotchi sont encore
un jeu vidéo (descendant peut-être de Creatures d'ailleurs), mais
par contre les peluches interactives Furby arrivées peu après,
que peut on en dire, sinon que tout en étant plus vraiment des jeux vidéo,
ils leurs doivent beaucoup.
On peut citer aussi le mariage entre jeu de rôle grandeur nature (appeler
souvent Killer ou Murder Party (36)) et le jeu vidéo,
utilisant le téléphone portable comme interface,
dans une nouvelle génération de jeu qui utilise la géolocalisation
des portables pour replacer les affrontements virtuel dans le monde réel
(37).
Un autre axe fort d'inspiration pour le jeu vidéo a été
la littérature (en particulier celle de SF
et de HF),
surtout au niveau des innombrables adaptations en jeu vidéo en provenance
du monde littéraire (38)
comme de la Bande Dessinée; Alain et Frédéric Le Diberder
citant l'exemple des tortues Ninja (39),
auquel on peut aujourd'hui ajouter celui de XIII (40).
Mais dans cet exemple le jeu vidéo ne se contente pas d'adapter, il se
permet aussi de jouer des codes du média pour modifier le gameplay
du jeu: on voit donc à l'écran des onomatopées (qui se
font l'écho de la bande son du jeu) nous permettant de localiser les
ennemis, ou le découpage dynamique de l'écran à l'aide
des cases de BD, ou encore l'inclusion des dialogues du jeu dans des phylactères,
et bien sûr l'utilisation du Cell-Shading
comme rendu graphique.
Pour Max Payne, on va moins loin dans l'usage de la BD, puisqu'elle n'est ici
qu'une alternative aux traditionnelles cinématiques dans le support à
la narration. L'originalité ici est que au contraire de XIII ou de tant
d'autres adaptations, il n'existe pas de BD de Max Payne.
Gonzalo Frasca fait par ailleurs une très intéressante (mais malheureusement
pas encore traduite de l'anglais) étude comparative entre la narration
et le jeu vidéo ou il avance l’hypothèse que les jeux gagneraient
en intérêt si on y introduisait des PNJ
ayant une réel profondeur (41).
Le jeu vidéo a été à l'origine de formes littéraire,
d'abord médiocre avec des livres et des BD's dérivés de
jeu (Pac-Man, Street Fighter ou Tomb Raider), puis par de nombreuses et plus
ou moins sérieuses contributions écrites sur le domaine (42),
enfin par la génération d'œuvres originales dont le jeu n'est
qu'un catalyseur, comme Chloé Delaume avec son Corpus Simsi (26).
Chronic'Art évoque aussi l'influence des jeux comme les Pokemon sur les
mangas japonais, les Yu-Gi-Oh (et consort) n'étant finalement que le
lieu d'« affrontements [...] prétextes à
collecter des items magiques qui permettent de grimper de niveaux » (43), on retrouve là le principe du leveling propre au jeu
de rôle et si souvent présent dans ce type de jeu vidéo...
Les jeux se modifiant dans les années 70 (et là je pense autant
a l'apparition du jeu
de rôle, qu'à celle du jeu vidéo) : la littérature
engendre elle aussi une nouvelle forme littéraire, le livre
dont vous êtes le héros (44)
dont le premier, intitulé Le sorcier de la montagne de feu sort en Grande
Bretagne en 1982 et un an plus tard en France. Qui du jeu vidéo ou de
ce genre littéraire inspira l'autre, nul ne saurait le dire mais il est
certain, par contre, que leur période de croissance conjointe dans les
années 80 ne laisse planer aucun doute sur la porosité des deux,
les ressemblances en terme d'embranchements scénaristiques étant
plus que frappantes.
On peut voir que sur certains sites, l’hypertexte est astucieusement marié
au livre dont vous êtes le héros pour créer du contenu interactif
et ludique (45).
Un troisième axe d'hybridation
s'est naturellement fait avec l'audiovisuel. J'entend par là, cinéma
et télévision, toujours et encore par le biais d'adaptations:
"Star Wars", "Indiana
Jones" et "Terminator",
mais aussi Qui veut gagner des millions ou Ford Boyard ayant eu leurs jeux tout
comme Resident Evil, Street Fighter, Mortal Kombat, Final Fantasy et Tomb Raider
auront eu leur films (voir même leur série télévisée);
pour aller un peu plus loin on peut parler de l'importance du cinéma
sur les cadrages dans le jeu vidéo, problème qui ne s'est vraiment
posé qu'avec l'apparition de la 3D dans des jeux comme Alone in the Dark
(46)
ou plus récemment les Residents Evil. En parlant de cette série
on peut noter que son dispositif narratif alternant la prise en main de plusieurs
héros (ce jeu n'étant évidement pas le seul à proposer
cela) n'est pas éloigné du "Rashomon"
de Kurosawa.
Il faut se pencher un peu sur un jeu comme Max Payne 2 (47)
pour voir ce que l'audiovisuel peut apporter de plus : ce jeu d'action a crée
un effet de mode au sein de l'univers du jeu vidéo en introduisant le
“Bullet time” emprunté à "Matrix"
(le joueur peut en effet ralentir le temps dans le but, bien sûr, de tirer
en toute quiétude sur l'adversaire), mode qui a rapidement envahi un
grand nombre de titres orientés action. Max Payne a aussi emprunté
à Tarentino (et à d'autres) une narration non linéaire
faite de flash-back (et de cauchemars) dont la principale qualité est
d'accroître la durée de vie du jeu (le joueur jouant à la
version non localisé et n'ayant pas tout compris étant alors incité
à recommencer le jeu à un niveau de difficulté supérieure).
A noter enfin la forte densité de postes de télévision
disséminés dans les niveaux du jeu, passant des programmes en
rapport avec celui-ci : spot de pub pour les trousses de soin ou pour le restaurant
du méchant, série policière “Dick Justice”
ou “Adress Unknown” (clin d'œil au "Twin
Peaks" de David Lynch) dont les héros ressemble trait pour
trait à Max Payne; tout cela étant autant un moteur à l'immersion
dans le monde caricatural du jeu, qu'une parodie du monde de la télévision
et de celui du jeu vidéo. Il n'est pas rare d'interrompre le fil de l'histoire
pour regarder la télévision, alors que l'on est censé être
poursuivi par une armée de “nettoyeurs”, sachant pertinemment
que rien ne se passera tant que l'on aura pas appuyé sur le bouton de
l'ascenseur.
Pour l'apport cinématographique on peut aussi citer Disney qui dès
l'époque d'Aladdin avait bien compris l'intérêt financier
des jeux sous licences et déclina plusieurs de ses chefs d'œuvres
en autant de jeux de plateforme, qui au point de vue de l'animation des sprites
furent reconnus comme réellement novateur (ou en tous cas dans la digne
succession de Prince of Persia, le modèle du genre).
Citons encore le très beau (mais aussi captivant) jeu d'aventure In Memoriam
dont l'esthétique emprunte autant au Seven de David Fincher qu’à
l'oeuvre entière de Dave Mc Kean (graphiste et dessinateur de BD).
Le jeu vidéo a bien sur eu une influence sûr le cinéma,
"Tron", "Avalon"
ou "ExistenZ" n'étant que la
partie visible de l'iceberg (48),
en effet l’influence se fait à d’autres niveaux comme le
note Khrystell E. Burlin (49).
Pour l’anecdote on pourra aussi visiter le site datant de 1998 d’un
mémoire de maîtrise dont le sujet était «
Cinéma – jeux vidéo quel avenir ? » (50).
Pour ce qui est de l'impact sur la télévision je me contenterai
de citer 3 exemples :
Le premier, c'est celui des retransmissions automobile (F1, Paris-Dakar) dont
les caméras embarquées doivent sans doute au jeu vidéo,
la réciproque étant également vraie puisque les simulations
de foot adoptent souvent les angles de caméras des retransmissions télévisées.
Une autre contamination de la télévision par le jeu vidéo
est l'usage de ses codes graphiques pour asceptiser le réel, comme dans
le cas souvent cité en exemple de la guerre du Golfe en 90, l'usage d'images
mal définies, à dominante verte, a masqué les autres images
de la guerre et a crée une distance fictive (et donc dangereuse).
Le dernier enfin est celui de la publicité pour Edf qui, à l'aide
d'une variante de Sim City, rappelait que l'on a qu'une terre et que l'on doit
en pendre soin, le game over n'étant pas une alternative envisageable
dans la réalité...
Pour en finir avec l'hybridation jeu vidéo/audiovisuel, je voudrais évoquer
ici ce qui n'appartient ni exclusivement au jeu vidéo, ni non plus au
cinéma, à savoir les images de synthèse. Si l'on étudie
certains plans de David Fincher ("Fight Club"
ou "Panic Room"), ceux qui nous font
passer par le trou d'une serrure par exemple, ils doivent sans doute tout autant
au cinéma d'animation qu'au jeu vidéo, sauf que la technique utilisée
(en l'occurrence l'ordinateur) les lient fondamentalement.
Les génies des effets spéciaux à l'origine de ces plans
sont souvent issu du milieu des coding party, ou de grandes écoles, les
meilleurs d'entre eux ayant le choix de travailler dans l'un ou l'autre domaine
(avec sans doute aussi le ministère de la défense), il n'est pas
étonnant de trouver des similitudes entre les deux.
Le meilleur exemple en est "Final Fantasy",
à l'origine jeu, devenu film au budget faramineux.
Je terminerai le paragraphe en évoquant les pubs pour les consoles ou
les jeux, souvent proposées a de grands réalisateurs comme David
Lynch (pour la sortie de la PS2) ou Ridley Scott (pour Driv3r
(51)).
Enfin, je souhaiterais développer ici l'influence du jeu vidéo
sur le monde de l'art qui, de la mode en passant par la musique ou le milieu
de l'art contemporain, s'est approprié ce médium pour le détourner.
Passons rapidement sur la musique qui est un sujet que je maîtrise peu
en citant Teamtendo qui joue sa musique sur des Game boy (52).
La mode a découvert les jeux vidéo avec Lara Croft, les stylistes
se battant pour lui dessiner des maillots de bain (53)
mais le phénomène est toujours d'actualité avec Final Fantasy
X-2 (54)
ou avec l'expérience Sim's de Chloé Delaume qui a demandé
à Christian Lacroix de faire une skin
pour son avatar (26).
Il y a, depuis le début des années 90, un intérêt
croissant de la part du monde de l'art pour le jeu vidéo comme étant
partie intégrante de la nouvelle culture numérique. Parmis les
pionniers, on doit citer Jodi, formé en 1994 par deux artistes venant
de la photographie, de la vidéo et de la performance : Joan Heemskerk
et Dirk Paesmans (l'un venant de Belgique et l'autre des Pays Bas) qui mettent
en exergue les défaillances du système et jouent avec l'internaute/utilisateur/spectateur.
Ils sont à l'origine par exemple d'un site qui perturbe la navigation
en générant de nombreuses fenêtres incontrôlables
(55),
mais aussi du détournement du moteur graphique de Quake (l'un des premier
FPS
entièrement en 3D)
pour générer des formes graphiques abstraites (56),
l'utilisateur pouvant encore jouer mais comme le souligne Margaret Sundell :
« The outcome: games that can still be played,
at least in some sense, but that can definitely never be won »
(57).
Un studio graphique de San Fransisco utilise fréquemment le jeu vidéo
comme véhicule pour ses messages, ce sont les Future Farmers qui depuis
1995 (date de la création du studio par Amy Franceschini) a accueilli
plusieurs artistes. Citons comme projet, NO WAR qui nous place dans la peau
du président des Etats-Unis, incités malgré nous à
faire la guerre pour maintenir la croissance (et éviter de se faire assassiner)
(58),
ou Pinga qui nous emmène capturer des pollens OGM pour éviter
leur dissémination dans d'autres champs (59),
le dernier travail ludique en ligne quant à lui est un jeu s'inscrivant
dans un contexte écologique (60).
Parlons également de l'américain Brody Condon (61)
qui, dans son détournement de Half-Life intitulé Adam Killer,
place le joueur face à la boucherie du jeu : pas de niveau mais juste
des adversaires, passifs qui plus est, et les armes du jeu, mitrailleuse, explosif
et pied de biche...
Il récidive dans sa dénonciation de la violence avec Velvet-Strike
(16),
site qui propose au joueur de counter-strike de dire non à la violence
en tagant des messages de paix sur les murs à l'intérieur même
du jeu.
Il va plus loin encore dans son dernier projet (en collaboration avec Eddo Stern)
: Waco Resurection (62), qui est un jeu où
tout joueur se retrouve dans la peau du prophète David Koresh puisqu'il
doit passer un masque et déclarer « I am David Koresh » pour
lancer le jeu (avec la présence de voix dans la tête et de pouvoirs
paranormaux), chargé de survivre a l'offensive du FBI. Pour moi c'est
un pendant légitime (et drôle) à l'America's Army et de
la propagande gouvernementale américaine.
Eddo Stern travaille de son côté la vidéo avec des extraits
de jeu vidéo de guerre qu'il remonte à la recherche de plan similaire
a ceux de Full Metal Jacket, ou Mash, son but étant de d'échapper
à l'érosion de la mémoire (63).
Une pièce Suisse celle-ci, "reality check one" de Felix Stephan
Huber (64),
consiste en une installation composée de 3 moniteurs (et leurs lecteur
DVD) ainsi que d’un ordinateur donnant accès a une représentation
virtuelle de l’Alexanderplatz de Berlin, le spectateur étant invité
a déambuler au milieu d’icônes immaginaires (Spiderman, Lara
Croft) citant des textes ayant rapport au virtuel (citation de P.K.Dick ou de
"Matrix"), non content de recycler
le moteur d’un jeu il s’approprie également les mêmes
mondes imaginaires. Pour mieux interroger le réel ?
Tournons-nous un peu vers la France pour parler d'artistes comme Martin Le Chevallier
(65) qui, avec Gageure 1.0, nous offre une critique
du monde du travail et de sa répétitivité, le tetris étant
assimilé à toute forme de travail. D’autres projets comme
vigilance 1.0 nous remettent face à notre société sécuritaire,
le but du jeu étant pour nous, agents de sécurité derrière
notre caméra, d'accumuler des points en dénonçant des actes
d'incivilités.
Space-Invaders (66)
est un site initié par un français qui a pour but de consteller
le monde de mosaïque à l'effigie des aliens du célèbre
jeu, il est ici question d'espace public s'opposant à l'espace privé
(Space Invader étant traduit littéralement) et de réalité
tangible opposée elle à la menace virtuelle.
Kolkoz enfin est un tandem d'artiste Marseillais qui par leur pratique, semble
critiquer le fonctionnement du marché de l’art (67).
« L’amour du jeu est tellement universel et sa pratique tellement agréable que cela doit être un péché. »
Edward F Murphy
« La réalité, c’est ce qui fait mal quand on éteint l’ordinateur. »
John Warsen
J'ai choisi de porter une réflexion sur le jeu vidéo car il est,
pour moi, un corollaire de l'interactivité, indissociable des nouvelles
technologies et de l'informatique. Les réflexions qui l’animent,
pourraient en théorie ouvrir de nouveaux champs, en particulier au niveau
de l'Internet, encore trop souvent cantonné à un système
rigoriste de menus et d'arborescence. Il est de plus source d'inspiration, de
réflexion, mais aussi d'interrogation sur de nombreuses composantes de
nos sociétés. Il est enfin pour l'informatique ce que l'Abécédaire
est à la littérature, c'est-à-dire un premier pas dans
un vaste monde fait de codes et de conventions. Il me semble en effet évident
que la meilleure façon de se familiariser avec un ordinateur, c'est de
le faire en jouant...
Il ne faut pourtant pas perdre de vue que le jeu vidéo est aussi l’un
des plus gros mass média et que par conséquent il représente
une boîte permettant de véhiculer des idéologies, que ce
soit celles d’artistes (but louable mais peu connu), ou celles (plus discutable)
du département Américain de la défense. « Le jeu
est un excellent média pour traiter de sujets politiques » affirme
Julian Oliver, membre d'Escape from Woomera, un jeu australien d'évasion
traitant de l'immigration clandestine, qui tente d'éduquer et d'inculquer
un regard critique aux joueurs (68).
Philippe Ulrich (69)
avance l'hypothèse que si les jeux vidéo sont violents, c'est
pour une raison purement technique, les programmateurs basant tous leurs programmes
sur un événement anodin mais lourd de sens: le test de collision,
tel sprite touche-t'il tel autre, tel pixel a-t'il un ennemi sur sa trajectoire,
etc. C'est manifestement vrai pour nombre de jeux, et ce, dès l'origine,
mais je trouve un peu cynique de croire que les créateurs seraient à
ce point dénués de recul qu'ils se laisseraient ainsi guider par
les seuls possibilités techniques. Je suis par contre totalement d'accord
avec lui quand il dit, d'une part, que l'on a tous en nous de la violence et
que le jeu vidéo peut nous aider à l'évacuer, et d'autre
part que ces jeux "violents" peuvent également nous aider à
apprivoiser le monde réel, qui est loin d'être dépourvu
de violence (les journaux télévisés surclassant régulièrement
en horreur bien réelle les plus violents des jeux).
Pour moi l'alternative (l'avenir), du jeu vidéo réside dans une
approche coopérative proche de l'open source (notion qui existe déjà,
les développeur fournissant régulièrement aux joueurs des
SDK,
mais qui est encore amenée a se développer), pour donner au joueur
(en tout cas à ceux qui le souhaitent) un plus grand contrôle sur
ce avec quoi il joue, et pourquoi pas découvrir de nouvelles formes...
Je pense que le jeu vidéo a maintenant atteint une maturité et
une richesse qui lui confère, après la télévision
et la bande dessinée le titre de 10 ème Art, malgré, ou
peut être grâce, aux nombreux champs qui lui reste à explorer…
Actualité du jeu vidéo : http://www.gamekult.com
Critique de jeu : http://www.chronicart.com/archives/archives_liste.php3?rubrique=2#s
Historique du jeu vidéo : http://mapage.noos.fr/gamotek/Index.htm
Mémoire jeu vidéo et cinéma : http://infographie.univ-lyon2.fr/~pcombet/somem.htm
Abandonware (vieux jeux en téléchargement gratuit) : http://www.abandonware-france.org
Lexique de l’interactivité : http://www.abstractmachine.net/lexique/_main.html
Le Jeu vidéo et son Industrie Rassemblent leur Acteur Français :
http://www.jiraf.org/
L’Art utilisant les technologies numériques : http://www.selectparks.net/archive/sp5.htm
Théorie (en anglais) : http://ludology.org/
& http://www.gamestudies.org/
«Avalon» : Mamoru Oshii (2000)
«Existenz» : David Cronenberg (1999)
«Tron» : Steven Lisberger(1982)
«Wargames» : John Badhman (1983)
«Level 5» : Chris Marker (1996)
«Un jour sans fin» : Harold Ramis (1993)
«Dans la peau de John Malkovitch» : Spike Jonze (1999)
«Matrix»/«Matrix Reloaded»/«Matrix Revolutions» : Andy & Larry Wachowski (1999/2003/2003)
«Star Wars» : George Lucas (1977/1980/1983/1999/2002)
«Le seigneur des anneaux» : Peter Jackson (2001/2002/2003)
«Indiana Jones» : Steven Spielberg (1981/1984/1989)
«Terminator» : James Cameron (1984)
«Scarface» : Brian De Palma (1983)
«Taxi Driver»/«A tombeau ouvert» : Martin Scorcese (1976/1999)
«Blade Runner» : Ridley Scott (1982)
«Seven»/«Panic Room» : David Fincher (1995/2002)
- CAILLOIS Roger, «Les jeux et les hommes», Gallimard, 1967.
Indispensable pour toute réflexion sur le jeu en général, ainsi que ses implications dans nos sociétés.
- CHOQUET David, «1000 game heroes», Taschen, 2002.
Nombreuses illustrations et la parole est donnée à de grands noms du jeu vidéo.
- LE DIBERDER Alain et Frédéric, «L’univers des jeux vidéo», La Découverte, 1998.
Très complet, la référence en Français sur le jeu vidéo.
- Hors Série, «Spécial Jeux Vidéo», Les Cahiers du Cinéma, septembre 2002.
Très bonne entrée en matière.
- Enquéte : «L’Art du jeu vidéo», Beaux Arts, Octobre 2002.
- TRONDHEIM Lewis, Les aventures sans Lapinot Tome 2 & 3, Dargaud, 2001.
Recueil des planches parues dans Science et Vie Mac, ironisant sur le statut du joueur, du concepteur de jeu vidéo et même plus largement du consommateur de produit high tech...
http://www.lewistrondheim.com/biblio.php3 ou http://www.dargaud.com/
Half-Life, Morrowind, XIII, Max Payne, Myst, Monkey Island, Gift, Fallout, Eco, Silent hill, Sonic, Mario, Tetris, Sim City, Bomberman, Rick Dangerous, Prince of Persia, etc...
Ce texte est le mémoire de 5éme année rédigé en 2004 pour le Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique (option Design Graphique) obtenu au Quai, école supérieure d’Art de Mulhouse avec les félicitations du jury.